Concessions portuaires en Afrique: Francis Perez “innocenté”, Bolloré impliqué jusqu’au cou

Bolloré mis en examen, Perez innocenté

L’affaire fait grand bruit depuis ce mardi 24 avril. Vincent Bolloré, le patron du Groupe Bolloré a été convoqué et auditionné par la Police de Nanterre, dans l’affaire de corruption dans les concessions portuaires en Guinée et au Togo le visant. Il lui est reproché d’avoir utilisé la filiale de son Groupe, Havas, spécialisée dans le conseil en communication politique, pour arracher dans des conditions obscures ces marchés aux ports de Conakry et de Lomé. Et au terme de l’audition, l’homme a été mis en examen.

En effet, le tout-puissant PDG du Groupe, qui rafle à tour de bras les marchés des concessions portuaires en Afrique, est mis en examen par les juges Serge Tournaire et Aude Buresi du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris. « Corruption d’agents étrangers dépositaires de l’autorité publique », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance », ce sont là les charges retenues contre lui. Deux de ses collaborateurs directs sont aussi impliqués : Gilles Alix, le Directeur Général du Groupe mis en examen sous les mêmes chefs d’accusation, et Jean-Philippe Dorent, le responsable du pôle international de Havas, poursuivi pour « abus de confiance » et « faux et usage de faux ».

Loin de ces trois têtes du Groupe Bolloré, Francis Perez, le PDG du Groupe Pefaco, lui, a été « acquitté ». Après son audition, l’homme a été simplement remis en liberté. Et, illustration de son innocence, aucune charge n’est retenue contre lui. Monsieur Perez n’aurait d’ailleurs jamais dû être cité dans ce dossier obscur. Tout était parti de simples documents de transactions financières, en 2010, entre lui et Jean-Philippe Dorent, un ami de longue date, dans le cadre d’une enquête sur sa société Pefaco. Les transactions tournent autour de 450 000 euros, environ 300 millions de FCFA. « Ces quatre virements sont un prêt à un ami qui a fait l’objet d’un acte notarié et qui est remboursé depuis six ans », a indiqué son avocat, Me Jean-Robert Phung. C’est ce que Monsieur Perez s’est toujours tué à signifier aux enquêteurs, en vain. L’avocat fustige des « fantasmes », une conspiration pour vilipender son client.

Francis Perez n’a rien à se reprocher. Et pour ceux qui le connaissent, ce n’est pas étonnant qu’il soit relâché et qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. C’est un homme de vertus qui les manifeste par des gestes humanitaires, très présent dans les actions sociales. « C’est un homme de cœur », résume un proche.

Vincent Bolloré ou « Monsieur corruption ».

Son Groupe et son avocat tentent de le peindre comme un saint. « Les concessions obtenues au Togo l’ont été en 2001, bien avant l’entrée du Groupe dans Havas, et en Guinée, en 2011, à la suite de la défaillance du n°1 (le Groupe étant arrivé en seconde position lors de cet appel d’offres, Ndlr), défaillance constatée avant l’élection du président », a dardé le Groupe Bolloré dès les premières heures qui ont suivi la garde à vue de son PDG. Mais ce ne sont que des gesticulations pour tenter d’angéliser l’homme, loin d’être un parangon de vertu.

Les observateurs avisés savent Vincent Bolloré champion dans la corruption. La célérité avec laquelle le Groupe a arraché les marchés des concessions portuaires à Conakry et à Lomé est bien suspecte. Dans ces deux pays, tout s’est accéléré après que les deux Présidents conseillés par Havas sont montés au pouvoir. « Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? », s’était défendu le Président guinéen Alpha Condé dans le journal Le Monde en 2016. On peut se rendre à l’évidence que les relations ont joué. Alors que Necotrans avait régulièrement gagné le marché, elle a été dégagée du port de Conakry comme un malpropre. On se rappelle que c’étaient des chars et autres véhicules militaires qui étaient envoyés pour déloger la société. Scénario presque similaire à Lomé où le Groupe Progossa et son patron Jacques Dupuydauby ont été aussi déshérités au profit de Bolloré, après les pressions en 2009 de Nicolas Sarkozy sur le Chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé. En quête de réélection à la tête du Togo, ce dernier a vite cédé aux requêtes de l’ancien Président français selon lesquelles les amis de la France doivent privilégier les intérêts des amis de la France. Vincent Bolloré a bénéficié d’un coup de pouce, disons plutôt du soutien du sommet de l’Etat pour s’incruster.

« C’est un homme qui est prêt à utiliser les méthodes les plus ignobles pour parvenir à ses fins». Ce commentaire d’un internaute est loin d’être un éloge pour l’homme. Très présent dans les loucheries, Vincent Bolloré ne saurait se peindre en saint. La surfacturation, c’est son truc. L’illustration palpable, ce sont les contours de la concession du marché de construction du 3e quai au Port autonome de Lomé. Alors que la société Maerskland a soumis un dossier de 187 milliards de FCFA comprenant la construction d’un port de pêche moderne, le marché a été curieusement concédé à Bolloré qui, tenez-vous bien, a proposé une facture de 300 milliards de FCFA, et en plus sans port de pêche. On n’a nullement besoin d’être sorcier pour se rendre compte de la corruption et autres loucheries dans ce dossier.

Vivement que la lumière soit faite dans cette affaire et que les complices locaux de Vincent Bolloré soient démasqués et punis, conformément à la loi.

Source: Grogne d’Afrique

Quand Bolloré tousse en France, qui sera enrhumé en Afrique?

D’abord un petit aperçu sur le groupe Bolloré. Bolloré est un groupe français international divisé en quatre entités : «transport et logistique» (Bolloré Logistics, Bolloré Railways, Bolloré Ports et Bolloré Energy), « communication » (Havas, Vivendi et autres actifs médias et télécoms), « stockage d’électricité et solutions » (Blue Solutions, films plastiques, Blue Applications) et une entité gérée comme une société de portefeuille. Vivendi inclus, Bolloré a dégagé 18,3 milliards d’euros de revenus en 2017 pour 2,1 milliards d’euros de bénéfice net. Essentiellement en Afrique.

Alors c’est ce puissant empire qui est en train qui est en train de prendre un sérieux coup actuellement. Les dirigeants du groupe, Vincent Bolloré en premier, ont été placés en garde-à-vue dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre ( banlieue de Paris, France). Leur crime? «Corruption d’agents publics étrangers »  portant sur les conditions d’obtention en 2010 des terminaux à conteneurs de Conakry en Guinée d’Alpha Condé et Lomé au Togo de Faure Gnassingbé.

Très concrètement, les magistrats soupçonnent les dirigeants du groupe d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs. Et nommément, Faure Gnassingbé, le président togolais et son homologue de Guinée Conakry, Alpha Condé, sont cités.

Bolloré et le juteux Port autonome de Lomé

Au Togo, le groupe Bolloré a remporté en 2009 – quelques mois avant la réélection de Faure Gnassingbé l’année suivante – la concession du terminal à conteneurs du port autonome de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. Une décision elle aussi contestée, cette fois par un autre concurrent. On se rappelle que Jacques Dupuydauby, ancien associé de Bolloré Lomé, avait multiplié les recours judiciaires pour dénoncer les conditions dans lesquelles il considère avoir été évincé.

Condé cède le port de Conakry à son “ami” Bolloré

En novembre 2010, Alpha Condé accède à la magistrature suprême à la suite de la première élection libre du pays, qui sort de cinquante-deux ans de régime autoritaire. Une élection omineuse pour le groupe français Necotrans, spécialisé dans la logistique portuaire en Afrique. Dès mars 2011 en effet, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 pour une durée de vingt-cinq ans à sa filiale Getma, est rompue. Alpha Condé confie la gestion du port à son « ami » Vincent Bolloré. Une bataille judiciaire est alors engagée en France par son rival Necotrans, qui finira en redressement judiciaire et dont une partie des actifs seront rachetés pour une bouchée de pain par Bolloré à l’été 2017.

Ces ennuis judiciaires de Vincent Bolloré et d’autres dirigeants du puissant empire français surviennent au moment où au Togo, Faure Gnassingbé fait face à une grave crise politique avec pour principal enjeu sa représentation ou non à la présidentielle de 2020, après trois mandats consécutifs à la tête du pays. Une crise dont la gestion est confiée justement à Alpha Condé, entre autres présidents africains.

Ces déboires judiciaires de Bolloré signifient-ils que derrière, Faure Gnassingbé et Alpha Condé sont aussi visés? Cette affaire rappelle le matraquage médiatique qui a entouré, dans l’Hexagone, les manifestations politiques togolaises. On citera le fameux “lâche le trône” sur Canal + qui avait braqué les projecteurs sur la gouvernance politique et économique sous les Gnassingbé durant ces cinquante dernières années.

Vincent Bolloré, le tout puissant, le vénéré des palais présidentiels africains, passer une nuit dans un commissariat? Est-ce le début de la chute d’un empire aux ramifications insoupçonnables? S’achemine-t-on vers un scénario à la Elf, un puissant réseau de corruption démantelé par Eva Joly, un réseau tissé par des patrons et des hommes politiques français et africains? Le feuilleton ne fait que commencer…