Togo: On balise la voie pour le 31 juillet

Les facilitateurs de la CEDEAO l’ont dit et redit: il faut autoriser les manifestations de l’opposition dans les villes en état de siège de fait depuis plusieurs mois.  À partir du 20 juillet,  la coalition de l’opposition expérimentera pour la première fois cette liberté retrouvée dans les villes de Sokodé,  Tchamba,  Bafilo et Mango.

L’autre exigence de Nana Akufo-Addo et Alpha Condé reste la libération de toutes les personnes arrêtées et jetées en prison dans le cadre des manifestations de l’opposition.  Même s’ils sont encore nombreux dans les geôles,  Faure Gnassingbé a accordé mardi la liberté provisoire à de 12 détenus et une remise de peine à 7 autres dans trois centres carcéraux du Togo.  Une grâce présidentielle qui s’analyse comme un signe de bonne volonté pour décanter la crise qui secoue le pays depuis le 19 août.

Dans la foulée,  on annonce pour jeudi une rencontre entre la Coalition présidée par Brigitte Adjamagbo-Johnson et la Commission de la CEDEAO,  en vue de la réouverture du dialogue inter-togolais.

De part et d’autre,  on note une volonté de voir enfin se terminer le statu quo. D’un côté,  le gouvernement se dit “prêt à opérer les réformes“, ainsi que l’a rappelé le ministre Octave Nicoué Broohm.  De l’autre,  la Coalition de l’opposition s’est montrée très prudente en maintenant ses manifestations d’avant le sommet de la Cedeao,  malgré la “désolidarisation” du PNP de Tikpi Atchadam pour des raisons que la C14 dit comprendre tout de même.

Reste à présent que les recommandations qui seront issues de la rencontre des chefs d’État et de gouvernement de l’espace sous-régional soient acceptées et respectées par les deux parties.  Car comme l’a dit l’ambassadeur de France près le Togo,  Marc Vizy, “les recommandations de la CEDEAO sont déterminantes pour le Togo“.

Nigéria -Togo: Faure Gnassingbé salue l’excellence des relations entre les deux pays

Au Nigéria, le président togolais a d’abord présenté ses condoléances aux familles des neufs personnes tuées dans l’explosion d’un camion-citerne à Lagos en milieu de semaine. “En ce moment, j’ai une pensée pieuse pour les 09 personness décédées au cours de l’explosion d’un camion-citerne à Lagos. Puissent leurs âmes reposer en paix“, a tweeté Faure Gnassingbé.

Il a également salué l’excellence des relations que le Togo entretient avec le Nigéria, l’un de ses principaux partenaires. “Notre pays le Togo, a-t-il indiqué, et la République Fédérale soeur du Nigéria entretiennent d’excellentes et fructueuses relations. Le Nigéria est l’un de nos principaux partenaires dans la mise en oeuvre du MIFA Togo dont j’ai procédé lundi dernier au lancement officiel“.

Élu à la présidence tournante de l’organisation pour un an, Faure Gnassingbé devrait passer le témoin lors du prochain sommet de la l’Organisation en juillet à Lomé. Des résolutions pour une sortie de crise sont attendues de cette rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement.

Antoine Folly : “le règlement du problème togolais revient d’abord aux Togolais”

Quelque chose de bon pourra-t-il sortir du prochain sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao)? En tout cas, les Togolais attendent impatiemment cette rencontre des Chefs d’État et de gouvernement, censée prendre des recommandations devant permettre la résolution de la crise politique actuelle. Pour Antoine Folly de l’Union des Démocrates Socialistes (Uds-Togo), parti membre de la coalition des quatorze partis de l’opposition, l’organisation sous-régionale ne peut régler le problème des Togolais à leur place.

Les discussions entamées le 19 février dernier, à la suite de la crise politique déclenchée le 19 août 2017, est actuellement au point mort. Parmi les points de désaccord entre pouvoir et opposition, la question de la représentation ou non du président actuel à la présidentielle de 2020. Le parti au pouvoir accuse notamment la Coalition des 14 de bloquer le dialogue en personnalisant les débats liés aux réformes. “Aujourd’hui, la Coalition reprend à l’identique le projet de loi proposé en 2014 par le gouvernement lui-même. Dans ce projet de loi, il ne figurait aucune disposition particulière relative à la candidature de Faure Gnassingbe. Alors pourquoi subitement la question de la candidature du chef de l’État devient une préoccupation pour eux ? C’est eux qui bloquent les discussions, pas l’opposition“, a expliqué ce matin Antoine Folly sur radio Nana Fm, ajoutant : “réformons le Togo indépendamment des hommes qui sont mortels“.

Le patron de L’Uds-Togo s’indigne de ce que le pouvoir de Lomé veuille lier le sort de tout le pays a celui d’un homme. “Est-ce que vous trouvez normal que le sort de toute une nation dépende d’un seul homme? Donc si Faure Gnassingbe n’est pas candidat, alors le pays ne doit pas avancer ?”, s’est-il interrogé.
Face à ce blocage qui “n’arrange personne“, tous les regards sont désormais tournés vers le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, rencontre qui se tiendra le 31 juin à Lomé. Pour Antoine Folly, que personne ne se trompe, la communauté sous-régionale ne viendra pas avec une solution toute faite pour les Togolais. “La Cedeao ne peut rien imposer aux Togolais. Elle doit tenir compte des aspirations du peuple dans ses recommandations“, a-t-il déclaré, avant d’indiquer la voie à suivre. “Ce que la Cedeao doit faire, poursuit-il, c’est de faire pression sur le régime afin qu’il prenne conscience de la gravité de la situation actuelle“.

Pour terminer, l’ancien ministre des Sports inviter les Togolais à prendre leur destin en main, affirmant que “le règlement du problème togolais revient d’abord aux Togolais“.

Ambroise D.

Cedeao: vers une reconduction de Faure Gnassingbé à la tête de l’organisation?

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest se réunissent en juillet prochain à Lomé. Au cours de ce sommet, il sera question d’évoquer le bilan de l’organisation au cours de ces douze derniers mois, mais aussi de désigner le successeur de Faure Gnassingbé à la présidence tournante. Et alors que le Togolais vient de finir son mandat à la tête de la Cedeao, beaucoup de bruit court depuis un certain temps quant à sa reconduction.

Ce n’est pas une demande officiellement formulée par le chef de l’Etat togolais lui-même. Mais sur les réseaux sociaux, le sujet fait grand bruit. Les partisans de Faure Gnassingbé versent dans une sorte de campagne en faveur de la reconduction de leur “champion”. Et ce ne sont pas des arguments qui manquent lorsqu’il faut défendre ce rêve. Quand on remonte un peu l’histoire, on s’aperçoit que d’autres chefs d’Etat avaient déjà fait plus d’un mandat à la tête de la Cedeao. C’est le cas par exemple du Nigérian Ibrahim Babangida (1985 -1989), de J.J. Rawlings (1994 -1996), Sani Abacha (1996 – 1998). Entre 1999 et 2014, les présidents John Kufuor, Mamadou Tandja, Umaru Yar’Adua, Goodluck Jonathan et Alassane Ouattara ont rempilé chacun deux mandats successifs à la présidence tournante de la Cedeao.

Au-delà de cette jurisprudence, la santé du successeur de Faure Gnassingbé pose problème. Depuis son arrivée au pouvoir, Muhamadu Buhari est confronté à de sérieux problèmes de santé l’obligeant souvent à passer des mois entiers loin du Nigeria. Une situation qui a amené le parlement nigérian à vouloir le destituer. Un président à la santé fragile à la tête d’une organisation sous-régionale confrontée à d’énormes défis? D’après le Traité fondateur de la Cedeao, en son article 8.2, “la présidence de la Cedeao est assurée chaque année par un État membre élu par la Conférence “. Dans la situation actuelle, la reconduction du président Faure Gnassingbé pourrait être privilégiée, un choix qui reste une application de la jurisprudence déjà bien coutumière au fonctionnement de l’organisation.

En tout état de cause, si Faure Gnassingbé venait à être reconduit à la tête de la Cedeao, cela pourrait, de l’avis de certains observateurs, avoir des conséquences directes sur l’issue de la crise politique que traverse le Togo depuis plusieurs mois. On attend donc de voir…

Ambroise D.

Alassane Ouattara disqualifié pour régler la crise togolaise ?

“La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes”, a déclaré M. Ouattara, dans un entretien à  Jeune Afrique.

Des propos qui contrastent avec les premières déclarations du président ivoirien au lendemain de la modification de la Constitution ivoirienne en 2016, qui remettait les compteurs à zéro. À l’époque, Alassane Ouattara la possibilité d’un troisième mandat.

Simple effet d’annonce ou réelle volonté d’un président qui a fini par prendre goût aux délices du pouvoir ?  En tout cas,  ADO justifie sa nouvelle position par le souci de mettre la Côte d’Ivoire à l’abri de toute instabilité.  Mais pour certains observateurs, le président utilise la “menace” de se représenter pour faire taire les querelles internes nées de la guerre de succession qui a déjà commencé.
En même temps, le président tente de transformer en partie la coalition au pouvoir afin d’organiser une primaire pour la présidentielle de 2020.

Quoi qu’il en soit,  le chemin vers un troisième mandat d’Alassane Ouattara est jonché de plusieurs embûches.  Il faudra d’abord pour l’ancien directeur Afrique du FMI de convaincre le PDCI et son emblématique président Henri Konan Bedie pour qui l’heure du retour de l’ascenseur a enfin sonné.  Avec la réforme constitutionnelle de 2016, ADO est certain d’avoir “neutralisé” Guillaume Kigbafori Soro désormais quatrième personnalité au sommet de l’Etat.  Mais l’ancien chef des rebelles de Bouake n’a pas encore dit son dernier mot.  Même si les ennuis judiciaires peuvent à n’importe quel moment se déchaîner contre lui,  l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne reste encore un homme très écouté par les ex-rebelles reconvertis en forces loyales à  la gâchette facile pour oui ou pour un non.

De toutes les façons,  cette déclaration d’Alassane Ouattara résonne mal dans les oreilles des partisans de l’opposition togolaise. “C’est ce Alassane Ouattara qui va régler la crise politique togolaise ?  Quels conseils va-t-il donner à Faire Gnassingbe ? “, peste un militant d’un parti membre de la coalition des 14.

“Si monsieur Ouattara dont la Constitution de son pays limite les mandats présidentiels est prêt à briguer un troisième mandat,  ce n’est pas Faure qu’il dira de quitter le pouvoir alors que la Constitution ouvre un boulevard devant lui”, ironise un web-activiste de UNIR,  parti présidentiel au Togo.  De quoi faire répliquer un autre militant de l’opposition: “force à la rue”. 

 

Exclusif/Me Tchassona Traoré: “l’ouverture du dialogue à d’autres acteurs ne changera rien à la pertinence de nos revendications “

Courrier d’Afrique: Le dernier sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao n’a fait que des recommandations à minima sur le dossier togolais. Le cri de cœur de la coalition des 14 n’a pas été entendu?

Me Mouhamed Tchassona Traoré: Cher ami, la communauté internationale est constituée sur la base du droit et des principes. Elle a sa charte qui fonde son mode d’action. Il est vrai, le cas togolais ne peut laisser personne indifférent. La première analyse : effectivement nous (la coalition des 14, ndlr) avons lancé un appel à la Cedeao pour lui demander de se pencher sur le dossier togolais. A mon avis, si notre demande n’apparaît pas dans la déclaration finale, il n’est pas exclu qu’il soit pas évoqué dans les débats. Ceci peut s’expliquer  et aussi s’analyser au regard de l’ordre du jour du Sommet qui était peut-être déjà arrêté et connu de tous avant la tenue de ce sommet.

Deuxième chose, les partenaires de ces institutions internationales, ce sont les gouvernements. Donc c’est le gouvernement togolais qui est partenaire de la Cedeao. Qui plus est, c’est le président togolais qui est le président en exercice de cette institution. Vous comprendrez que, s’ils ont un ordre du jour déjà arrêté, et surtout que nous (opposition, ndlr) ne sommes pas représentés, (je ne sais même pas de quelle manière nous aurions pu être être invités), ils n’aient pu discuter que sur les seuls faits et rapports qu’ils ont recueillis des différentes missions des partenaires qui se sont intéressés à la crise togolaise et du Gouvernement Togolais .

Quant à la déclaration qui en est issue sur le Togo, ce serait trop hasardeux de croire que c’est un camouflet pour l’opposition togolaise ou un appui au gouvernement togolais. Bien sûr qu’ils nous invitent au dialogue; ça, c’est déjà connu de tous. Ils parlent d’un dialogue inclusif pour qu’on puisse débattre de toutes les questions pour aller vers des réformes politiques et institutionnelles dans l’intérêt supérieur notre pays , pour que la crise puisse être derrière nous.

Il faut également remarquer qu’à la lecture du communiqué final de la Cedeao, il ressort qu’un certain nombre de chefs d’Etat ont été mandatés pour suivre l’évolution du dossier togolais. A l’analyse, la mise en place de cette commission de chefs d’Etat nous écarte de toute médiation ou facilitation directes , nous renvoyant de facto, nous Togolais, vers une solution interne, c’est-à-dire, que prenions en main notre propre destin. C’est à ce niveau que nous devons tous faire preuve d’audace, une audace intelligente qui transcende les clivages, les barrières pour prendre en compte un élément essentiel qu’est l’amour de notre patrie, pour allers à une solution négociée afin de sortir notre pays de la situation actuelle.

Pour vous, c’est quoi prendre en main son propre destin? Bref, qu’entendez-vous par solution négociée?

La Cedeao a montré la voie. Pour elle, la seule et unique voie de sortie de crise, c’est le dialogue. Et quand elle parle de dialogue inclusif, c’est que tous les acteurs se mettent autour d’une table pour discuter.

Permettez-moi de vous interrompre, Me Tchassona. Quand vous parlez de tous les acteurs, vous parlez de qui? La coalition, dont votre parti est membre, n’envisage un possible dialogue qu’entre elle et le parti au pouvoir.

Vous savez, la Cedeao propose que les débats doivent être ouverts à tous ceux qui peuvent contribuer à la résolution de cette crise. Quelle est la finalité du dialogue? Ce sont les réformes. Notre base de revendications reste l’Accord politique global qui préconisait qu’il faut un consensus pour aller à ces réformes-là. Qu’il ne vous échappe pas qu’il y a des mécanismes pour faire les réformes: la phase parlementaire ou celle référendaire. Si les conclusions du dialogue  doivent passer par l’Assemblée nationale, cela suppose que les partis parlementaires puissent d’abord s’accorder sur le contenu du texte. Or dans le schéma actuel, il y a par exemple l’Union des forces de Changement (UFC) qui n’est pas membre de la coalition. Pour  rechercher un large consensus à l’Assemblee Nationale pour l’adoption de la réforme, nous ne pourrons écarter la contribution de l’UFC. Même si un parti parlementaire non membre de la coalition n’a qu’un seul député, nous avons besoin de cette voix pour y arriver. C’est pour cela que je parlais plus haut de la nécessité d’ avoir de l’audace. Nous devons avoir l’audace pour comprendre que le seul intérêt qui vaille, c’est celui du Togo.

Aujourd’hui, le débat se cristallise autour des acteurs du dialogue. Mais le pouvoir, lui, semble prêt à aller à ce dialogue, surtout après ce qu’on peut appeler le blanc-seing de la Cedeao.

Ma crainte, c’est que le gouvernement poursuive le processus du dialogue au cas où il ne s’entendrait toujours pas avec notre coalition, et qu’il aille discuter du projet de loi avec d’autres acteurs, pour soumettre le projet de réforme à la majorité mécanique qu’il a à l’Assemblé nationale puis au référendum. Ce qui conduirait au pourrissement de la situation. La conséquence prévisible pour la coalition pourrait conduire à une montée en puissance par la coalition, dans ses  revendications. Mais au final, qu’est-ce que cela peut apporter si ce n’est que nous créer beaucoup de difficultés sur le calendrier électoral, puisque 2018 est une année électorale avec les législatives et certainement les locales. C’est là où j’ai beaucoup de craintes pour mon pays, car la crise pourrait s’aggraver.

Me Tchassona, à vous entendre parler, on a l’impression que que votre voix est dissonante de celle de la coalition!

Je puis vous rassurer d’une chose, la coalition est composée de gens responsables portés par des convictions fortes pour ce pays et nous savons faire la part des choses. Je tiens à vous dire que je n’ai pas de crainte en cas d’ouverture du dialogue à d’autres acteurs. La coalition pèsera de tout son poids dans l’argumentation et la pertinence de nos revendications dont la légitimité est partagée par l’immense majorité de nos populations, puissent aboutir. Pourquoi? D’abord nous avons eu l’expérience des travaux lors de l’atelier du HCRRUN, les partis supposés proches du pouvoir n’ont pas hésité à se ranger et défendre les revendications légitimes, pertinentes portées par les partis d’opposition lors de cet atelier et il faut ajouter que les revendications ont l’adhésion de la plupart de nos compatriotes. Ce n’est pas parce qu’on aura ouvert le dialogue à d’autres formations politiques que ça changerait grand-chose à la pertinence et à la légitimité de nos revendications. Donc quelle que soit la configuration du dialogue, la coalition gardera toujours ses bonnes ressources pour faire avancer dans le bon sens les discussions pour que les réformes qui seront faites répondent aux attentes des populations.

Le départ de Faure Gnassingbé fera-t-il aussi partie de votre plateforme revendicative lors de ce dialogue?

Je pense que quand on aborde une phase conduisant au dialogue dans la  crise comme la nôtre, il faut bien se garder d’évoquer des sujets qui peuvent être préjudiciables pour la bonne  suite des événements. C’est pour cela que je m’abstiens de me prononcer pour le moment sur cette question. Ce qui est important, c’est que quand on parle de dialogue inclusif, il s’entend non seulement des acteurs, mais également de tous les sujets qui peuvent être débattus. Même s’il y a une telle exigence, rien n’empêche qu’elle puisse être discutée au cours du dialogue. Le contenu du dialogue, s’il faut en parler maintenant, ce ne sera que pure spéculation. Il s’agit d’un dialogue inclusif à double titre, tant au niveau des acteurs que s’agissant des sujets à aborder. Donc le moment venu, quand le dialogue se mettra en place, aucun sujet ne sera tabou.

La revendication relative à la démission de Faure Gnassingbé, élu pour un mandat qui finit en 2020, ne rend-elle pas l’opposition inaudible auprès de la communauté internationale?

Vous savez, nous sommes en politique. A l’opposé des exigences de l’opposition, le pouvoir aussi a exprimé une posture maximaliste. Le président de la république, dans son interview à Jeune Afrique, a déclaré que sa non candidature en 2020 n’est pas encore un sujet de préoccupation . C’est aussi là une posture maximaliste. Nous sommes dans un débat politique où chacun veut tirer le maximum de son côté. Il faut le comprendre ainsi.

Parlant justement de cette interview, pensez-vous que la candidature ou non du chef de l’Etat actuel en 2020 est un sujet prioritaire?

Nonobstant ce que j’ai dit plus haut, en affirmant qu’aucun sujet ne sera tabou au cours du dialogue, il me semble que nous passons à côté d’autres éléments essentiels qui doivent être convoqués dans notre démarche vers l’alternance au sommet de l’Etat. Je parle notamment du changement de mentalités des Togolais à transcender tous les clivages régionalistes, ethniques et religieux. Je pense à la nécessité de peser lors du Dialogue aux modifications institutionnelles pour se doter d’un cadre et processus électoraux fiables et transparents, Je pense à l’éveil de la conscience citoyenne chez tous les Togolais de l’intérieur et de l’extérieur à prendre toute la mesure du droit de vote qui devrait sonner au Togo plus qu’une simple faculté mais qu’une impérieuse obligation, afin d’ aller s’inscrire sur les listes électorales, à ne plus céder au son de cloche tendant à faire croire que les élections ne servent à rien dans notre pays, sous prétexte que les dés seraient pipés d’avance. Plus les Togolais iront s’inscrire massivement sur les listes électorales et s’acquitteront de d’aller voter massivement, plus grandes seront les chances d’une alternance pacifique au Togo. Si nous arrivons, au cours de ce dialogue, à obtenir les conditions d’organisation d’une élection transparente, l’alternance  est possible même si le chef de l’Etat actuel, par extraordinaire, se représente en 2020. Voilà des choses auxquelles nous devons réfléchir, auxquelles la presse doit sérieusement réfléchir pour faire comprendre à nos compatriotes qu’ils doivent déjà se mettre en ordre de bataille pour les élections à venir. Le peuple doit comprendre qu’il est l’arbitre du jeu électoral, et cela se passe lors des élections.

En clair, à côté des manifestions de rue, il faut déjà commencer à mettre en place des stratégies de conquête du pouvoir par les urnes, c’est ça?

Bien sûr, nos  partis politiques travaillent  à cet effet, mais nous avons une difficulté. Vous savez, les réformes sont d’ordre constitutionnel et institutionnel. Dans le deuxième volet, il y a le cadre électoral et tout ce qui concerne les élections au Togo. Tout cela doit faire l’objet de débat lors du dialogue qui est annoncé de sorte que que l’ensemble des questions qui bloquent notre avancée politique puissent être réglées. Il y a également des mesures d’ordre réglementaire qui doivent être prises pour favoriser le vote de nos frères et soeurs  de la diaspora, qui sont très nombreux d’ailleurs, afin qu’ils puissent enfin participer eux aussi au débat politique de leur pays.

Certains acteurs parlent de transition comme passage obligé pour une sortie de crise. Sommes-nous dans ce schéma?

Il ne faut pas s’empresser de poser les résultats du dialogue avant le début du dialogue. Seul le dialogue nous orientera utilement sur ce que sera la suite des événements. Ce pourrait être un gouvernement d’union nationale pour accompagner la mise en oeuvre des réformes. Or quand on parle de gouvernement de transition, cela suppose que toutes mes institutions sont mises en berne, en attendant qu’un arrangement politique puisse être trouvé. Qu’il nous souvienne qu’en 2006, à la suite du dialogue inter Togolais, il y a eu un gouvernement d’union nationale piloté par Me Yawovi Agboyibo, chargé de la mise en oeuvre des réformes. Malheureusement les blocages qui sont intervenus par la suite n’ont pas permis de réaliser ce cahier de charges. Si tant est que nous voulons aller à ce dialogue, avec toute la volonté qui doit caractériser l’ensemble des acteurs, nous devons faire en sorte que cette fois, ce soit le dernier des dialogues.

Une question sur un autre sujet de l’actualité nationale, le ministre de la Sécurité, Damehane Yark, considère vos manifestations comme des foires de commerce de stupéfiants.

Là, ça pose un véritable problème d’organisation de l’Etat togolais. Le ministère de la Sécurité a en charge la lutte contre ce genre de fléaux dans le pays. Nos manifestations se passent-elles hors des frontières de nos villes contrôlées par les forces de sécurité? Si le ministre pense  que c’est lors de nos manifestations que se fait le commerce de ces stupéfiants, cela dénote une faiblesse dans le dispositif sécuritaire du pays. Le gouvernement ne peut pas accuser l’opposition de favoriser le commerce d’un produit dont il a pourtant mission de lutter contre la commercialisation en amont et en aval.

 

L’opposition togolaise à la croisée des chemins

L’opposition togolaise est bien seule au monde. Depuis le début de la crise politique actuelle, elle n’a obtenu aucun soutien extérieur franc. Alors qu’elle appelait jeudi les chefs d’État de la CEDEAO à “mettre fin à la situation politique actuelle, le 52eme sommet de la CEDEAO a plutôt apporté son soutien au gouvernement et renvoyé l’opposition au dialogue. Il n’y a donc rien à attendre de cette institution. À la veille de ce sommet, Djimon Oré, le président du Front des Patriotes pour la Démocratie (FPD) mettait en garde. “Ces présidents ne viendront pas dire à Faure Gnassingbé de quitter le pouvoir parce qu’une partie de l’opposition togolaise le leur a demandé“, avait-il déclaré sur une radio de la place.

Pendant ce temps, tout semble indiquer que Faure Gnassingbé est loin d’être hors-jeu. Car hormis quelques déclarations de principes et communiqués laconiques, aucun partenaire extérieur du Togo n’a délivré de carton rouge au locataire du Palais de la Marina. L’interview accordée à Jeune Afrique est la preuve qu’il essaie de pousser son avantage. Il peut compter sur la complaisance du monde extérieur. Déjà Emmanuel Macron lui a donné un blanc-seing pour 2020 et la Cedeao s’échine à dégonfler la contestation. L’opposition, qui voudrait faire jouer la jurisprudence Jammeh, est à court de soutiens et de stratégies. Dialoguera ou ne dialoguera pas? À quelles conditions ? Aux siennes ou à celles que tentent de lui imposer la Primature ? L’opposition semble avoir perdu la main, au profit de Faure Gnassingbé qui ne cesse de se renforcer. Il est toujours en piste et se renforce au détriment d’une opposition qui se trouve actuellement dans un navire qui tangue, et qui est à recherche d’une bouée de sauvetage.

Démission ou limitation des mandats ? Révolution ou élections ? L’opposition est réduite à ne reposer que sur le hasard, Dieu ou un coup de folie (fondre sur la Présidence: un risque qu’il ne faut pas oser prendre).

Des États-Unis à la France en passant par l’OIF ou la CEDEAO, personne ne semble cautionner l’aventurisme révolutionnaire ou la démocratie au bazooka. Le contexte géopolitique a changé. Le messianisme démocratique américain a cédé le berceau à la préférence nationale de Donald Trump. La Françafrique lie les mains de la France qui ne veut pas paraître néo-impérialiste.

Face à cette situation, deux alternatives s’offrent à l’opposition : la coalition des 14 ne peut reposer que sur la rue ou miser sur un hypothétique effondrement du régime sur lui-même. La deuxième hypothèse paraît davantage plausible et commande donc que d’ores et déjà, des stratégies de conquête du pouvoir par les urnes commencent à se mettre en place.

En ce sens, Fabre semble plus réaliste. “[…] Je crois que, comme d’habitude, la France va se réfugier derrière la position des organisations sous régionales comme la CEDEAO, l’Uemoa Elle ne veut pas s’exposer plus en avant. N’oublions pas que la politique étrangère de la France vise la défense de ses intérêts. Nos intérêts peuvent être divergents avec les siens. Nous ne devons par conséquent compter que sur nos propres forces. Tout attendre des populations. Et ne rien attendre des autres“, a-t-il confié dans une récente interview au journal La Croix.

Djimon Oré: “je ne crois pas à la médiation des chefs d’Etat de la CEDEAO”

Pensez-vous qu’il appartient à un chef d’Etat ghanéen ou guinéen de venir instaurer la démocratie au Togo?“, a lancé le président du Front des Patriotes pour la Démocratie (FPD). Djimon Oré dit ne pas avoir confiance en ces présidents qui se protègent entre eux. “Ces présidents ne viendront pas dire à Faure Gnassingbé de quitter le pouvoir parce qu’une partie de l’opposition togolaise le leur a demandé“, a-t-il soutenu.

Pour Djimon Oré, seul le peuple togolais est capable de se libérer par lui-même. Et pour cela, souligne-t-il,il faut des stratégies et du temps. “Le problème togolais est un problème majeur; il faut donc une analyse macro et non des détails. Le départ de Faure Gnasssingbé est un détail. Il faut, pour que tout le système s’écroule, que tout le régime s’en aille“, a déclaré l’ancien ministre de la Communication qui a encore insisté sur la nécessité d’aller vers une transition.

Sur la question du dialogue, Djimon Oré ne veut pas se laisser flouer. Car, pour lui, le Togo a déjà connu une kyrielle de dialogues qui se sont tous soldés par des échecs. “Le dialogue, précise-t-il, n’est pas le remède approprié au mal dont souffre le Togo qui en a déjà connu vingt-cinq“.

Exprimant sa solidarité avec les partis d’opposition qui sont actuellement dans la rue, le patron du FDP a expliqué que son parti évolue par étapes. “Pour le moment, nous faisons un travail de terrain sans tambour ni trompette. Nous sommes en phase de sensibilisation“, a-t-il conclu.

Me Dodji Apévon remet la “patate chaude togolaise” au sommet de la CEDEAO

Pour Me Paul Dodji Apévon, ce sommet, qui devrait se tenir à Lomé, a dû être délocalisé en raison de la tension politique au Togo. “Ce sommet devrait se tenir à Lomé mais a dû être déplacé à Abuja, tout comme l’ont été le sommet Israël/Afrique et le sommet ministériel de l’Organisation internationale de la Francophonie“, a déclaré le président des FDR, jeudi, au point de chute du deuxième jour des manifestations de la coalition des 14. Ces nombreux reports de rencontres internationales à Lomé sont perçues par l’avocat comme la preuve irréfutable que la situation togolaise préoccupe plus qu’on ne l’imagine. “Votre mobilisation et votre détermination de ce jour donneront une résonance toute particulière à Abuja, la capitale administrative du Nigeria“, a-t-il ajouté.

Leur rappelant qu’“aucun développement, aucun progrès économique ne peut se faire dans un climat anti-démocratique et que les dysfonctionnements politiques nationaux sont susceptibles de produire des conséquences parfois très fâcheuses dans les autres Etats“, Apévon a, au nom de la coalition de l’opposition, lancé un cri de cœur aux quinze présidents qui ont rendez-vous dans la capitale nigériane, pour “sensibiliser leur conscience africaine au drame qui se joue au Togo et qui constitue une vraie menace pour la stabilité de la sous-région et pour la stabilité internationale“.

Le Togo est une inacceptable anomalie politique au sein de notre espace ouest-africain, et il convient d’y mettre fin“, a-t-il lancé aux chefs d’Etat. Pour justifier cet appel, l’avocat Apévon a rappelé le tripatouillage de la Constitution en 2002 puis en 2005 par le pouvir de Lomé en violation flagrante du protocole de Dakar signé le 21 décembre 2001 et qui fixait des principes communs à tous les Etats, en matière de respect des Constitutions. Me Apévon n’a pas passé sous silence le refus de Faure Gnassingbé d’adhérer à l’harmonisation proposée le 15 mai 2015 à Accra par la Commission de la CEDEAO pour la limitation du nombre de mandats présidentiels et l’adoption du mode de scrutin à deux tours.

Les présidents ghanéen, Nana Akufo-Ado, et guinéen, Alpha Condé, devront se faire les porte-voix de la crise togolaise dont ils sont profondément imprégnés, lors de ce sommet. Sans oublier l’Ivoirien Alassane Ouattara qui, semble-t-il, serait favorable au départ de Faure Gnassingbé en 2020, sans l’y contraindre toutefois.