Simple effet d’annonce ou tentative de passage en force ?

L’information est tombée, tel un coup de massue sur la tête des Togolais,  au journal de 20h ce mardi à la télévision nationale. La Cour Constitutionnelle invite le gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante à  prendre les mesures nécessaires à la tenue  des élections législatives cette année . « Le mandat des députés actuels ayant débuté le 20 août 2013, il prend fin le 19 août 2018. Par conséquent, les élections doivent avoir lieu dans la période du 20 juillet au 19 août 2018 », indique le communiqué de la cour qui évoque le retard pris par le processus électoral en cours.

Selon le communiqué, les candidats placés en tête de liste pour les prochaines législatives, doivent déposer auprès de la CENI, une déclaration de candidature 35 jours au plus tard avant le scrutin, en accord avec l’article 221 du Code électoral. La liste des candidats est ensuite publiée par la Cour 25 jours avant le scrutin.

Une annonce sérieuse ou juste du bruit ? 

Cette annonce des juges constitutionnels,  Aboudou Assouma en tête,  arrive comme un cheveu sur la soupe dans un contexte de vive tension politique.  En effet,  la crise politique déclenchée depuis le 19 août dernier s’enlise jour après jour avec un dialogue politique certes ouvert mais qui est au point mort depuis plusieurs semaines.  Le prochain sommet de la conférence des chefs d’Etat de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest est très attendu par les Togolais qui espèrent que des recommandations seront prises pour une sortie de crise.

Alors pourquoi cette annonce de la Cour constitutionnelle,  elle-même faisant partie des institutions à réformer au terme du dialogue politique ?  Une annonce à prendre au sérieux ou beaucoup de bruit pour un grand rien ? En tout cas,  l’article 52 de la Constitution togolaise dispose que “les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sortants, par fin de mandat ou dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs”. On se souvient tous que la législature issue des élections d’octobre 2007 et dont le mandat prenait fin en 2012 était en fonction jusqu’aux législatives de juillet 2013. Rien ne presse donc.

Ambroise D. 

Macron sur le Togo: “je soutiens totalement qu’il puisse y avoir alternance”

Au lendemain de son arrivée au Canada, Emmanuel Macron a fait escale à Montréal, jeudi, où il a rencontré le Premier ministre Philippe Couillard avant de se rendre à La Malbaie pour le sommet du G7. Mais pas que !  Le président français a également  rencontré  dans la foule quelques Togolais qui l’ont taclé sur la situation actuelle de leur pays.

Invité à aider “le peuple togolais dans ses revendications légitimes”, Macron a réitéré la même position qu’il exprime depuis le début de cette crise. “Il y a une démarche qui est lancée par l’Union Africaine pour qu’il y ait des élections libres et que la Constitution soit respectée. […] que la Constitution inscrive la limitation des mandats dans le temps, que le peuple puisse s’exprimer et procéder à une transition démocratique”.

Sur la question du retour à la Constitution de 1992, si chère à l’opposition togolaise,  Emmanuel Macron déclare très clairement qu’il est favorable à ce qu’il y ait alternance. “Ce qui est demandé par l’Union Africaine,  c’est qu’il puisse y avoir alternance,  je soutiens totalement cela“, a-t-il répondu à son interlocuteur,  précisant toutefois qu’il ne veut pas tomber dans “des pratiques d’un autre âge où c’est la France qui veuille expliquer à un pays ce qu’il doit faire“.

Je sais qu’un mot de votre part peut le faire partir.  Dites quelque chose à Faure Gnassingbe pour qu’il quitte le pouvoir“. À cette demande,  le président français  n’y est pas allé par le dos de la cuillère.  “Mais non !  Vous vous trompez !  J’agis,  la France agit de manière cohérente depuis le début,  c’est-à-dire que je respecte la souveraineté des États et aux côtés de l’Union Africaine“, a-t-il répondu.  Ajoutant qu’il ne répétera pas “les erreurs du passé“. En soutenant un président africain comme on l’a souvent reproché à ses prédécesseurs ou en lui demandant de quitter le pouvoir après plus de deux mandats ?  Une chose est sûre : Emmanuel Macron suit de près la situation politique togolaise de même qu’il soutient “qu’il puisse y avoir alternance” au sommet des États.

Autre certitude, Macron n’a jamais reçu Faure Gnassingbe ni ne s’est jamais rendu chez lui.  “Est-ce que je l’ai reçu en voyage bilatéral ou est-ce que je m’y suis rendu ? “, a-t-il retourné  à son interlocuteur qui lui demande s’il va “encore le recevoir (Faure Gnassingbe, ndlr), lui et son gouvernement”.

Ambroise D. 

 

 

Togo: la coalition des 14 répond à Boukpessi et réitère son appel à manifester

En conférence de presse ce mardi à Lomé, les 14 partis membres de la coalition ont vigoureusement réagi à la dernière note de Payadowa Boukpessi relative à la série de manifestations prévues les 6, 7 et 9 juin. Pour la C14, le gouvernement fait preuve de mauvaise foi en invoquant le dialogue en cours comme argument valable devant induire la suspension des manifestations de l’opposition.

Se fondant sur une interprétation tendancieuse et volontairement erronée, d’un souhait émis par le facilitateur de voir la Coalition suspendre les manifestations pour donner une chance au dialogue censé durer 10 jours, le gouvernement, après avoir échoué à interdire ouvertement les manifestations pacifiques de l’opposition, a cru devoir en modifier unilatéralement les itinéraires en violation de la constitution et de la loi sur la liberté de manifestation“, a déclaré la coalition devant la presse.

La Coalition dénonce avec fermeté ce changement “illégal et injustifié des itinéraires“, qui, à ses yeux, relève “d’une stigmatisation de la population togolaise et la violation de ses droits“. Pour cette raison, elle n’entend pas capituler face à ce qu’elle considère comme la violation des droits constitutionnels des Togolais et des lois de la République, en l’occurrence celle fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques publiques.

En conséquence, Brigitte Adjamagbo-Johnson et ses confirment leur appel à manifester pacifiquement les 6, 7 et 9 juin 2018 à Lomé et sur toute l’étendue du territoire national suivant les itinéraires qu’ils ont eux-mêmes définis.

Réagissant par ailleurs à la forte présence militaire dans les rues de la capitale, les quatorze partis rappellent  aux forces de sécurité et de défense “qu’investir les lieux de rassemblement, c’est se mettre hors la loi“, leur mission étant “de protéger le libre exercice des droits et des libertés, et de garantir la sécurité des citoyens et de leurs biens“.

Ambroise D.

 

Pour le moment, la montagne n’a accouché que d’une petite souris

Les Togolais doivent encore prendre leur mal en patience. Pouvoir et opposition ne sont pas encore prêts à se mettre d’accord sur l’essentiel. Seule chose à se mettre sous la dent à l’heure actuelle, la cessation du processus électoral, ainsi que l’a exigé la C14. “S’agissant de la demande de cessation du processus électoral unilatéralement conduit par le gouvernement, le Facilitateur a informé la Coalition de la décision des autorités togolaises d’y accéder. Cette information a été confirmée par la partie gouvernementale au Dialogue“, a déclaré la C14 devant la presse ce lundi. Petite victoire donc pour Brigitte Adjamagbo-Johnson et sa coalition.

Pour ce qui est des violences militaires à Kparataou, le facilitateur a, selon la C14, indiqué les enquêtes diligentées sur le terrain ont permis de relever dans la zone, une forte présence militaire qui est source de tension.

Mais au fond, les discussions ouvertes le 19 février dernier n’ont pas permis d’avancer sur les questions essentielles. En effet, le retour à la constitution originelle de 1992 était jusqu’ici la principale revendication de l’opposition togolaise. Une exigence que la coalition des 14 partis doivent abandonner au profit de la réintroduction des dispositions permettant d’adapter la loi fondamentale aux réalités du moment. Une révision constitutionnelle qui devrait bien se garder de comporter le bout de phrase “en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats” considéré par le parti présidentiel comme une une volonté de l’opposition d’écarter la candidature de l’actuel président en 2020.

Face à cette impasse, la C14 propose une période de transition. “La coalition a proposé l’ouverture, après le rétablissement des dispositions fondamentales, d’une période de transition jusqu’à la prochaine élection présidentielle“, indique la coalition qui définit déjà les prérogatives des autorités au cours de cette période: “au cours de cette période, les autorités de transition auront en charge l’administration du pays, la mise en œuvre des réformes électorales et l’organisation consensuelle des prochaines élections locales, législatives et présidentielle“.

Le parti au pouvoir avalera-t-il cette pilule? L’opposition togolaise compte sur la médiation ghanéenne et l’implication des chefs d’État de la Cédéao pour ce faire. Mais en attendant, elle se dit prête à remuer de nouveau la rue.

Togo: la suspension des manifestations maintenue jusqu’à la reprise du dialogue

Nous vous informions hier lundi que le ministre ghanéen de la Sécurité, Albert Kan-Daapah, émissaire du président ghanéen Nana Akufo-Addo, a de nouveau échangé avec les leaders de la coalition des 14 partis politiques de l’opposition togolaise. Au menu des discussions, la reprise très prochainement du dialogue politique actuellement au point mort. « Nous avons reçu le message que le ministre ghanéen est venu nous délivrer. Il y a une perspective très proche d’évolution du processus du dialogue. Je suis confiante que les choses vont bouger la semaine prochaine », a confirmé mardi la coordinatrice de la C14, Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson sur une radio locale.

Ainsi, pour donner une chance à ce dialogue qui devrait reprendre la semaine prochaine, la coalition des 14 est invitée à maintenir la suspension de ses manifestations. « Je prie nos compatriotes de garder patience encore pour un tout petit peu de temps. Les choses vont bouger », ajoute Mme Johnson qui toutefois met en garde contre tout calcul politicien visant à “faire traîner les choses pour freiner la détermination des populations“.

Cet appel de la médiation ghanéenne suivi par la coalition des 14 prend ainsi le contre-pied du Parti National Panafricain (Pnp) de Tikpi Atchadam qui avait annoncé la reprise des manifestations pour compter de ce mardi 20 mars.

Togo: un émissaire du président ghanéen rencontre la C14 cet après-midi

Cette visite du ministre ghanéen intervient au moment où le dialogue ouvert entre les acteurs politiques togolais le 19 février dernier est au point mort, et où des incompréhensions sont nées au sein de la coalition des 14 partis d’opposition quant à la reprise ou non des manifestations politiques.

Selon les indiscrétions, Albert Kan-Dapaah devrait écouter les premiers responsables de la coalition sur les mobiles qui expliqueraient une éventuelle reprise des manifestations alors même que le dialogue devrait se rouvrir très prochainement. Le messager de Nana Akufo-Addo pourrait, semble-t-il, aussi rassurer la C14 quant à la ferme volonté du président ghanéen d’œuvrer à la résolution de la crise politique actuelle, à travers le dialogue.

Alors que le Parti national panafricain (Pnp) a annoncé la reprise des manifestations entre le 20 et le 24 mars, le porte-parole de la coalition, Eric Dupuy, a déclaré dimanche 18 mars sur une radio de la place que le regroupement n’avait appelé les populations à « aucune manifestation ». Le responsable a ouvertement accusé le PNP de Tikpi Atchadam de violer les règles établies dans le groupe en allant « un peu trop vite en besogne ».

« La coalition n’a jamais publié un communiqué appelant à une manifestation. Cependant, la coalition a écrit à titre conservatoire au ministre de l’administration territoriale pour l’informer d’un projet de manifestation la semaine prochaine », a précisé Eric Dupuy.

Togo – Dialogue : comprendre les mécanismes de la médiation avec Me Tchassona-Traoré

Courrier d’Afrique : Me Tchassona-Traoré, qu’est-ce que la médiation?

Mouhamed Tchassona-Traoré: La médiation est une recherche ensemble, d’une solution juste et équitable pour résoudre un litige, avec l’aide d’une personne impartiale et neutre, à la satisfaction de toutes les parties. Pour enclencher le processus de médiation, le litige doit exister. Par contre l’utilisation des techniques du médiateur peut aider à éviter des conflits futurs et non encore existants. Ici le litige est compris au sens large du terme : on peut parler de litige dès lors qu’il existe des intérêts opposés entre deux ou plusieurs acteurs.

Chaque mot dans cette définition a, comme il se doit, son importance. L’analyse de cette définition met en valeur la médiation et sa spécificité. La médiation est une recherche qui suppose un chemin à parcourir ou un processus à suivre et une certaine activité, contrairement à d’autres modes de résolution de conflits dans lesquels les parties sont souvent soumises au processus de résolution, sans (inter)action personnelle.

Cette définition met en évidence l’implication des parties elles-mêmes dans la résolution de leur conflit, une des choses essentielles de la médiation.

La recherche, comprise dans cette définition, nécessite, de par l’interaction requise, aussi la libre volonté des parties de participer au processus de médiation, d’en accepter les règles et la volonté d’arriver à une solution : elle suppose une certaine motivation.

La médiation est une recherche ensemble dans laquelle ce sont les parties elles-mêmes, accompagnées du médiateur, qui vont chercher la solution à leur conflit. En plus, ce ne sont pas seulement les parties mêmes, mais ce sont les parties ensemble et, d’habitude, rassemblées qui vont faire le travail. C’est exactement ce rassemblement des parties dans un élan positif et cette nécessité de collaboration et de coopération qui permet une interaction constructive et donne sa valeur spécifique au processus de médiation. Jusqu’ici, la coalition comme la partie gouvernementale sont dans cette dynamique, même si l’exercice reste encore laborieux.

La solution ou les solutions retenues doivent être vérifiées quant à leur possibilité juridique et réelle, sans perdre de vue l’équité. L’équité ou la solution équitable est ce qui donne la grande liberté qu’ont les parties dans un processus de médiation : la solution ne doit en effet qu’être équitable à leurs yeux et pour leur situation concrète. Ceci veut dire que les parties ne sont pas nécessairement à la recherche d’une égalité stricte, qui limite les options possibles et la liberté de choisir.

La résolution du conflit peut se faire également avec l’aide d’une personne. La recherche avec la seule aide d’une personne et non par cette personne, reflète de nouveau l’implication personnelle des parties en cause et leur travail personnel dans la recherche de la solution à leur conflit.

Le travail du médiateur « se limite » à créer un cadre et à donner une structure aux parties afin de faciliter la recherche par les parties et de permettre que celle-ci soit active et constructive.

Le médiateur doit revêtir la double qualité d’une personne impartiale et neutre. L’impartialité et la neutralité se complètent et sont d’essentielles attitudes du médiateur afin de conserver la confiance qu’il doit recevoir des parties.

Pourtant cette impartialité et cette neutralité doivent être comprises dans un sens positif repris dans le mot multi-partialité de sorte que durant le processus de médiation, le médiateur prendra parfois partie pour l’un, parfois pour l’autre, tout en veillant à maintenir un équilibre comme de l’empathie, c’est-à-dire la capacité du médiateur de vivre l’histoire de la personne concernée comme celle-ci l’a vécue, de reconnaître le vécu, sans que cette empathie influence sa neutralité.

La satisfaction requise reflète la libre volonté des parties, si les parties ne sont pas satisfaites, il sera très difficile de les amener à travailler d’une manière constructive à la résolution de leur conflit. Il faut la satisfaction de toutes les parties et donc aussi des parties non-présentes, par exemples dans le cas de la crise togolaise, le peuple dans une large mesure.

Le médiateur veillera au respect des intérêts de toutes les parties concernées, sans prépondérance pour l’une ou l’autre partie.

CA : Et si on transpose tout ça dans le cas togolais, que peut-on retenir ?

MTT : Nous constatons dans l’exercice qui est le nôtre au Togo, une grande impatience et parfois du scepticisme chez nos compatriotes quant à l’aboutissement du processus en cours. Pourtant, nous pouvons, au regard du développement ci-dessus, affirmer sans l’ombre d’un doute, que le processus de dialogue et de la médiation tient le cap de l’espérance et de espoir de résolution pour peu que nous y croyions et donnions toute sa chance de réussite au médiateur dans la recherche de solutions équitables pour sortir de la crise.

CA : Quel doit être le rôle du médiateur dans tout ça?

MTT : Le rôle du médiateur est de créer un cadre, de donner une structure et d’informer, sans aviser. Ce cadre et cette structure spécifiques rendent possible une coopération, et si non une coopération, au moins un travail dans une même direction, ils facilitent la discussion et rétablissent le dialogue : le médiateur est parfois appelé « facilitateur»

Le médiateur va canaliser les émotions, sans les supprimer, rechercher les besoins réels en clarifiant ce que disent les parties et il va obliger les parties à s’écouter, et en s’écoutant à se comprendre : pourquoi l’autre dit ce qu’il dit, de la façon dont il le dit. La compréhension de la prise de position de l’autre et de la façon d’agir de l’autre, rend l’acceptation de la différence d’autant plus facile. Pourtant mener les parties à se comprendre, n’est pas les pousser à se réconcilier, la compréhension n’implique pas et ne nécessite pas l’accord : le médiateur ne recherche pas la (ré) conciliation, mais bien l’accord par l’écoute, la compréhension et le respect.

CA : Parlez-nous brièvement des différentes étapes du processus de médiation

MTT : Les différentes écoles utilisent différents modèles, toutefois il existe des points de similitude. Le processus de médiation commence dans un premier temps par une courte évaluation de la situation afin de déterminer si le problème est abordable par la médiation et par le médiateur en question. Ensuite par l’installation du cadre dans lequel se déroulera la médiation : les explications quant à la médiation même sont données, les règles à suivre par les parties sont expliquées, un accord est atteint entre le médiateur et les parties en conflit.

La vérification de la prise de décision, suivie par la recherche des besoins réels des parties est aussi une étape importante du processus de médiation.

Mais le gros travail est fait lorsque les besoins réels des parties sont clairement cernés ( les revendications de la coalition et les réponses du gouvernement) et une liste d’options possibles est établie. Le choix de l’option ou des options à retenir se fait en comparaison aux besoins des parties. In fine, après le choix final les accords sont conclus et actés.

CA : La médiation a-t-elle une valeur, une utilité ? Si oui, laquelle ?

MTT : La question sur l’utilité de la médiation ne demande pas beaucoup d’explications, vu que le simple fait d’avoir une « nouvelle » ou une autre façon de gérer un conflit, à côté des manières déjà existantes, suffit pour confirmer son utilité, il y a assez de conflits pour permettre la réflexion sur la gestion de conflits en général et l’élaboration de nouveaux modes de gestion.

Confirmer le contraire serait dire qu’il existe déjà suffisamment de modes de gestions de conflit et qu’il n’en faut pas d’autres… ! C’est plutôt par l’analyse de la spécificité de la médiation que l’on peut se rendre compte de sa valeur et de l’importante place qu’elle pourrait prendre.

D’abord la libre volonté et la nécessité d’une implication personnelle responsabilisent les parties et leur permettent de tenir ou de reprendre les choses en main :

Ensuite, la recherche d’une certaine tranquillité (peace of mind), à une époque où rien ne va assez vite, renvoie directement à la médiation, qui permet la recherche non-violente d’une solution ressentie comme équitable par tous dans un laps de temps relativement réduit, ce qui renvoie à une autre caractéristique non-négligeable de la médiation : le coût et la durée de la médiation. Le coût et la durée du processus de médiation sont habituellement réduits, surtout quand on les compare aux autres modes de résolution de conflits (les pertes matérielles et en vies humaines dans les conflits armés et revendications révolutionnaires)

Par ailleurs l’accord par l’écoute, la compréhension et le dialogue rend la solution retenue non seulement plus facile à respecter, surtout si ce n’est pas du tout ce qu’une ou les différentes parties avaient imaginé comme la/leur solution idéale au conflit, mais la rend aussi défendable vis-à-vis des tiers mentionnés plus haut. La solution finale aura en effet été choisie par les parties-mêmes, en connaissance (approfondie) de cause.

 

Togo: une délégation de la coalition de l’opposition à Conakry et Accra lundi et mardi

Jean-Pierre Fabre, Tikpi Atchadam, Brigitte Kafui Adjamagbo Johnson, Paul Dodji Apevon et Aimé Tchabouré Gogué, ils sont cinq responsables de la C14 à être reçus lundi 15 janvier à Conakry par Alpha Condé. Au menu, la situation politique actuelle au Togo, avec en toile de fond la question du dialogue. Dans une récente rencontre à Paris, le président guinéen avait déjà donné son avis sur la question. Pour Alpha Condé qui avait œuvré à la libération des imams arrêtés à Sokodé et Bafilo, l’opposition togolaise devait suspendre ses manifestations pour donner une chance au dialogue. Va-t-il garder la même position face aux 5 délégués de la coalition ? Rien n’est moins sûr !

Mardi, la délégation devra ensuite se rendre à Accra où elle rencontrera Nana Akufo-Ado très imbibé de l’actualité politique togolaise et fortement impliqué dans la résolution de la crise actuelle.

Le dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao) a donné son onction à la médiation ghanéenne appuyée désormais par celle du Bénin et du Burkina-Faso.

De sources bien introduites, lors d’une rencontre vendredi à Lomé, la société civile togolaise aurait exhorté la coalition à« faire preuve de souplesse devant les médiateurs ». Alors Jean-Pierre et sa suite accepteront-ils de surseoir aux manifestations pour entrer en négociation avec le pouvoir de Lomé, si les deux chefs d’Etat leur font à nouveau la demande? Les choses ne seront pas aussi faciles.

Une autre source confie à la rédaction de Courrier d’Afrique que le gouvernement togolais pourrait faire une « grande annonce » en début de semaine. S’agira-t-il du dialogue ou du chronogramme du référendum ? En se référant au message du chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, du 3 janvier, rien ne devrait surprendre.

Exclusif/Me Tchassona Traoré: “l’ouverture du dialogue à d’autres acteurs ne changera rien à la pertinence de nos revendications “

Courrier d’Afrique: Le dernier sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao n’a fait que des recommandations à minima sur le dossier togolais. Le cri de cœur de la coalition des 14 n’a pas été entendu?

Me Mouhamed Tchassona Traoré: Cher ami, la communauté internationale est constituée sur la base du droit et des principes. Elle a sa charte qui fonde son mode d’action. Il est vrai, le cas togolais ne peut laisser personne indifférent. La première analyse : effectivement nous (la coalition des 14, ndlr) avons lancé un appel à la Cedeao pour lui demander de se pencher sur le dossier togolais. A mon avis, si notre demande n’apparaît pas dans la déclaration finale, il n’est pas exclu qu’il soit pas évoqué dans les débats. Ceci peut s’expliquer  et aussi s’analyser au regard de l’ordre du jour du Sommet qui était peut-être déjà arrêté et connu de tous avant la tenue de ce sommet.

Deuxième chose, les partenaires de ces institutions internationales, ce sont les gouvernements. Donc c’est le gouvernement togolais qui est partenaire de la Cedeao. Qui plus est, c’est le président togolais qui est le président en exercice de cette institution. Vous comprendrez que, s’ils ont un ordre du jour déjà arrêté, et surtout que nous (opposition, ndlr) ne sommes pas représentés, (je ne sais même pas de quelle manière nous aurions pu être être invités), ils n’aient pu discuter que sur les seuls faits et rapports qu’ils ont recueillis des différentes missions des partenaires qui se sont intéressés à la crise togolaise et du Gouvernement Togolais .

Quant à la déclaration qui en est issue sur le Togo, ce serait trop hasardeux de croire que c’est un camouflet pour l’opposition togolaise ou un appui au gouvernement togolais. Bien sûr qu’ils nous invitent au dialogue; ça, c’est déjà connu de tous. Ils parlent d’un dialogue inclusif pour qu’on puisse débattre de toutes les questions pour aller vers des réformes politiques et institutionnelles dans l’intérêt supérieur notre pays , pour que la crise puisse être derrière nous.

Il faut également remarquer qu’à la lecture du communiqué final de la Cedeao, il ressort qu’un certain nombre de chefs d’Etat ont été mandatés pour suivre l’évolution du dossier togolais. A l’analyse, la mise en place de cette commission de chefs d’Etat nous écarte de toute médiation ou facilitation directes , nous renvoyant de facto, nous Togolais, vers une solution interne, c’est-à-dire, que prenions en main notre propre destin. C’est à ce niveau que nous devons tous faire preuve d’audace, une audace intelligente qui transcende les clivages, les barrières pour prendre en compte un élément essentiel qu’est l’amour de notre patrie, pour allers à une solution négociée afin de sortir notre pays de la situation actuelle.

Pour vous, c’est quoi prendre en main son propre destin? Bref, qu’entendez-vous par solution négociée?

La Cedeao a montré la voie. Pour elle, la seule et unique voie de sortie de crise, c’est le dialogue. Et quand elle parle de dialogue inclusif, c’est que tous les acteurs se mettent autour d’une table pour discuter.

Permettez-moi de vous interrompre, Me Tchassona. Quand vous parlez de tous les acteurs, vous parlez de qui? La coalition, dont votre parti est membre, n’envisage un possible dialogue qu’entre elle et le parti au pouvoir.

Vous savez, la Cedeao propose que les débats doivent être ouverts à tous ceux qui peuvent contribuer à la résolution de cette crise. Quelle est la finalité du dialogue? Ce sont les réformes. Notre base de revendications reste l’Accord politique global qui préconisait qu’il faut un consensus pour aller à ces réformes-là. Qu’il ne vous échappe pas qu’il y a des mécanismes pour faire les réformes: la phase parlementaire ou celle référendaire. Si les conclusions du dialogue  doivent passer par l’Assemblée nationale, cela suppose que les partis parlementaires puissent d’abord s’accorder sur le contenu du texte. Or dans le schéma actuel, il y a par exemple l’Union des forces de Changement (UFC) qui n’est pas membre de la coalition. Pour  rechercher un large consensus à l’Assemblee Nationale pour l’adoption de la réforme, nous ne pourrons écarter la contribution de l’UFC. Même si un parti parlementaire non membre de la coalition n’a qu’un seul député, nous avons besoin de cette voix pour y arriver. C’est pour cela que je parlais plus haut de la nécessité d’ avoir de l’audace. Nous devons avoir l’audace pour comprendre que le seul intérêt qui vaille, c’est celui du Togo.

Aujourd’hui, le débat se cristallise autour des acteurs du dialogue. Mais le pouvoir, lui, semble prêt à aller à ce dialogue, surtout après ce qu’on peut appeler le blanc-seing de la Cedeao.

Ma crainte, c’est que le gouvernement poursuive le processus du dialogue au cas où il ne s’entendrait toujours pas avec notre coalition, et qu’il aille discuter du projet de loi avec d’autres acteurs, pour soumettre le projet de réforme à la majorité mécanique qu’il a à l’Assemblé nationale puis au référendum. Ce qui conduirait au pourrissement de la situation. La conséquence prévisible pour la coalition pourrait conduire à une montée en puissance par la coalition, dans ses  revendications. Mais au final, qu’est-ce que cela peut apporter si ce n’est que nous créer beaucoup de difficultés sur le calendrier électoral, puisque 2018 est une année électorale avec les législatives et certainement les locales. C’est là où j’ai beaucoup de craintes pour mon pays, car la crise pourrait s’aggraver.

Me Tchassona, à vous entendre parler, on a l’impression que que votre voix est dissonante de celle de la coalition!

Je puis vous rassurer d’une chose, la coalition est composée de gens responsables portés par des convictions fortes pour ce pays et nous savons faire la part des choses. Je tiens à vous dire que je n’ai pas de crainte en cas d’ouverture du dialogue à d’autres acteurs. La coalition pèsera de tout son poids dans l’argumentation et la pertinence de nos revendications dont la légitimité est partagée par l’immense majorité de nos populations, puissent aboutir. Pourquoi? D’abord nous avons eu l’expérience des travaux lors de l’atelier du HCRRUN, les partis supposés proches du pouvoir n’ont pas hésité à se ranger et défendre les revendications légitimes, pertinentes portées par les partis d’opposition lors de cet atelier et il faut ajouter que les revendications ont l’adhésion de la plupart de nos compatriotes. Ce n’est pas parce qu’on aura ouvert le dialogue à d’autres formations politiques que ça changerait grand-chose à la pertinence et à la légitimité de nos revendications. Donc quelle que soit la configuration du dialogue, la coalition gardera toujours ses bonnes ressources pour faire avancer dans le bon sens les discussions pour que les réformes qui seront faites répondent aux attentes des populations.

Le départ de Faure Gnassingbé fera-t-il aussi partie de votre plateforme revendicative lors de ce dialogue?

Je pense que quand on aborde une phase conduisant au dialogue dans la  crise comme la nôtre, il faut bien se garder d’évoquer des sujets qui peuvent être préjudiciables pour la bonne  suite des événements. C’est pour cela que je m’abstiens de me prononcer pour le moment sur cette question. Ce qui est important, c’est que quand on parle de dialogue inclusif, il s’entend non seulement des acteurs, mais également de tous les sujets qui peuvent être débattus. Même s’il y a une telle exigence, rien n’empêche qu’elle puisse être discutée au cours du dialogue. Le contenu du dialogue, s’il faut en parler maintenant, ce ne sera que pure spéculation. Il s’agit d’un dialogue inclusif à double titre, tant au niveau des acteurs que s’agissant des sujets à aborder. Donc le moment venu, quand le dialogue se mettra en place, aucun sujet ne sera tabou.

La revendication relative à la démission de Faure Gnassingbé, élu pour un mandat qui finit en 2020, ne rend-elle pas l’opposition inaudible auprès de la communauté internationale?

Vous savez, nous sommes en politique. A l’opposé des exigences de l’opposition, le pouvoir aussi a exprimé une posture maximaliste. Le président de la république, dans son interview à Jeune Afrique, a déclaré que sa non candidature en 2020 n’est pas encore un sujet de préoccupation . C’est aussi là une posture maximaliste. Nous sommes dans un débat politique où chacun veut tirer le maximum de son côté. Il faut le comprendre ainsi.

Parlant justement de cette interview, pensez-vous que la candidature ou non du chef de l’Etat actuel en 2020 est un sujet prioritaire?

Nonobstant ce que j’ai dit plus haut, en affirmant qu’aucun sujet ne sera tabou au cours du dialogue, il me semble que nous passons à côté d’autres éléments essentiels qui doivent être convoqués dans notre démarche vers l’alternance au sommet de l’Etat. Je parle notamment du changement de mentalités des Togolais à transcender tous les clivages régionalistes, ethniques et religieux. Je pense à la nécessité de peser lors du Dialogue aux modifications institutionnelles pour se doter d’un cadre et processus électoraux fiables et transparents, Je pense à l’éveil de la conscience citoyenne chez tous les Togolais de l’intérieur et de l’extérieur à prendre toute la mesure du droit de vote qui devrait sonner au Togo plus qu’une simple faculté mais qu’une impérieuse obligation, afin d’ aller s’inscrire sur les listes électorales, à ne plus céder au son de cloche tendant à faire croire que les élections ne servent à rien dans notre pays, sous prétexte que les dés seraient pipés d’avance. Plus les Togolais iront s’inscrire massivement sur les listes électorales et s’acquitteront de d’aller voter massivement, plus grandes seront les chances d’une alternance pacifique au Togo. Si nous arrivons, au cours de ce dialogue, à obtenir les conditions d’organisation d’une élection transparente, l’alternance  est possible même si le chef de l’Etat actuel, par extraordinaire, se représente en 2020. Voilà des choses auxquelles nous devons réfléchir, auxquelles la presse doit sérieusement réfléchir pour faire comprendre à nos compatriotes qu’ils doivent déjà se mettre en ordre de bataille pour les élections à venir. Le peuple doit comprendre qu’il est l’arbitre du jeu électoral, et cela se passe lors des élections.

En clair, à côté des manifestions de rue, il faut déjà commencer à mettre en place des stratégies de conquête du pouvoir par les urnes, c’est ça?

Bien sûr, nos  partis politiques travaillent  à cet effet, mais nous avons une difficulté. Vous savez, les réformes sont d’ordre constitutionnel et institutionnel. Dans le deuxième volet, il y a le cadre électoral et tout ce qui concerne les élections au Togo. Tout cela doit faire l’objet de débat lors du dialogue qui est annoncé de sorte que que l’ensemble des questions qui bloquent notre avancée politique puissent être réglées. Il y a également des mesures d’ordre réglementaire qui doivent être prises pour favoriser le vote de nos frères et soeurs  de la diaspora, qui sont très nombreux d’ailleurs, afin qu’ils puissent enfin participer eux aussi au débat politique de leur pays.

Certains acteurs parlent de transition comme passage obligé pour une sortie de crise. Sommes-nous dans ce schéma?

Il ne faut pas s’empresser de poser les résultats du dialogue avant le début du dialogue. Seul le dialogue nous orientera utilement sur ce que sera la suite des événements. Ce pourrait être un gouvernement d’union nationale pour accompagner la mise en oeuvre des réformes. Or quand on parle de gouvernement de transition, cela suppose que toutes mes institutions sont mises en berne, en attendant qu’un arrangement politique puisse être trouvé. Qu’il nous souvienne qu’en 2006, à la suite du dialogue inter Togolais, il y a eu un gouvernement d’union nationale piloté par Me Yawovi Agboyibo, chargé de la mise en oeuvre des réformes. Malheureusement les blocages qui sont intervenus par la suite n’ont pas permis de réaliser ce cahier de charges. Si tant est que nous voulons aller à ce dialogue, avec toute la volonté qui doit caractériser l’ensemble des acteurs, nous devons faire en sorte que cette fois, ce soit le dernier des dialogues.

Une question sur un autre sujet de l’actualité nationale, le ministre de la Sécurité, Damehane Yark, considère vos manifestations comme des foires de commerce de stupéfiants.

Là, ça pose un véritable problème d’organisation de l’Etat togolais. Le ministère de la Sécurité a en charge la lutte contre ce genre de fléaux dans le pays. Nos manifestations se passent-elles hors des frontières de nos villes contrôlées par les forces de sécurité? Si le ministre pense  que c’est lors de nos manifestations que se fait le commerce de ces stupéfiants, cela dénote une faiblesse dans le dispositif sécuritaire du pays. Le gouvernement ne peut pas accuser l’opposition de favoriser le commerce d’un produit dont il a pourtant mission de lutter contre la commercialisation en amont et en aval.

 

Togo: Faure Gnassingbé n’entend pas partir en 2020!

Le nouveau numéro de Jeune Afrique à paraître ce dimanche devrait s’arracher comme de petits pains au Togo. Dans une interview accordée au journal, Faure Gnassingbé revient sur la crise politique que traverse le pays. Et sur la question de sa candidature ou non à la présidentielle de 2020, le président togolais Faure Gnassingbé a simplement assuré qu’il ne “se situait pas encore dans cette perspective“. Mais il semble préciser le fond de sa pensée quand il déclare que “les Constitutions disposent pour l’avenir, non pour le passé“, a répondu celui participait samedi, à Abuja, au 52eme sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao).

Le président a par ailleurs indiqué que le dialogue avec l’opposition s’instaurera “très rapidement en ce qui concerne sa phase préparatoire. Avant les fêtes de fin d’année“. Un dialogue qui, d’après lui, devra inclure les partis extra-parlementaires. “Nous avons, au sein de l’opposition, des partis représentés à l’Assemblée et des partis extraparlementaires : ils devront décider s’ils y viennent séparément ou en coalition. Nous avons aussi des partis qui n’ont ni manifesté ni revendiqué et qui agissent dans le cadre des institutions. Ceux-là aussi ont le droit de participer”, a-t-il déclaré à Jeune Afrique.

Une interview qui intervient au lendemain d’une nouvelle forte mobilisation de la coalition des 14 qui se dit déterminée à aller jusqu’au bout, avec ou sans l’aide de la communauté internationale.