On prend les mêmes et on recommence, devrait-on dire après l’annonce de la démission de Gabriel Robert Mugabe. Une démission qui intervient quelques jours après le limogeage de son dauphin constitutionnel, Emmerson Mnangagwa. Rétabli dans ses fonctions de vice-président et bombardé dans la foulée, candidat à la présidentielle de 2018, M. Mnangagwa est bien parti pour devenir le nouvel homme fort du Zimbabwe, lui dont le passé est loin de ressembler à celui à celui d’un démocrate. Portrait d’un « Crocodile » aux dents bien longues.
L’histoire d’Emmerson Mnangagwa serait incomplète sans Robert Mugabe. Les destins des deux hommes sont enchaînés. Le premier ayant toujours évolué dans l’ombre du second. C’est un membre essentiel du premier cercle de Mugabe et un vétéran endurci de la lutte pour la libération de la minorité blanche.
Agent politique habile, qui a surfé sur les vagues de la politique zimbabwéenne, naviguant pendant des périodes à l’intérieur et à l’extérieur du cercle interne de confiance de Mugabe, Emmerson Mnangagwa est un homme « craint et méprisé dans tout le pays », pour reprendre les termes du très renseigné site d’investigations, Wikileaks qui avertissait déjà en 2000 qu’il pourrait être « un leader encore plus répressif » que Mugabe s’il lui succédait.
Policier et chef de l’Organisation centrale de renseignement (CIO), ou police secrète, le futur successeur de Mugabe est un homme redoutable surtout pour son rôle présumé dans les massacres de 1983-84 du groupe ethnique Ndebele dans le Matabeleland, une région du sud-ouest du Zimbabwe qui était un centre de l’opposition politique au régime de Mugabe. L’Association internationale des spécialistes du génocide (IAGS), une organisation internationale non partisane, estime qu’au moins 20 000 civils ont été tués par le CIO et les forces armées.
« La plupart des morts ont été abattus lors d’exécutions publiques, souvent après avoir été forcés de creuser leurs propres tombes devant leur famille et leurs collègues villageois », a déclaré l’AISG dans un rapport de 2011.
- Mnangagwa est également accusé de s’être « personnellement chargé » du cas de l’opposant Morgan Tsvangirai, véritable vainqueur de la présidentielle de 2008. L’opposant avait, dans la fièvre de la contestation des résultats de la présidentielle de cette année, perdu son épouse dans un accident de la route, avant de voir son propre visage tuméfié dans des suites des coups et blessures dont il avait été victime.
Surnommé le « crocodile » en raison de sa longévité politique et de ses capacités de survie, Mnangagwa est considéré depuis des années comme un homme d’avance sur son temps, prêt à prendre le contrôle de Mugabe en cas de démission ou de décès du nonagénaire.
Ses références révolutionnaires irréprochables, combinées à son solide soutien parmi les éléments clés de l’élite zimbabwéenne – en particulier au sein des services militaires et de sécurité – font de lui un successeur évident et non controversé.
Si sur le plan politique, rien ne semble changer malgré le départ de Robert Mugabe, l’économie du pays, complètement mise à genoux avec des inflations à plusieurs chiffres, pourrait se relever avec le nouvel fort du Zimbabwe qui, semble-t-il, est perçu à l’extérieur comme un dirigeant « présentable » avec un carnet d’adresses bien étoffé. Autrement, la ZANU-PF se serait tout simplement moquée des Zimbabwéens.