D’abord un petit aperçu sur le groupe Bolloré. Bolloré est un groupe français international divisé en quatre entités : «transport et logistique» (Bolloré Logistics, Bolloré Railways, Bolloré Ports et Bolloré Energy), « communication » (Havas, Vivendi et autres actifs médias et télécoms), « stockage d’électricité et solutions » (Blue Solutions, films plastiques, Blue Applications) et une entité gérée comme une société de portefeuille. Vivendi inclus, Bolloré a dégagé 18,3 milliards d’euros de revenus en 2017 pour 2,1 milliards d’euros de bénéfice net. Essentiellement en Afrique.
Alors c’est ce puissant empire qui est en train qui est en train de prendre un sérieux coup actuellement. Les dirigeants du groupe, Vincent Bolloré en premier, ont été placés en garde-à-vue dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre ( banlieue de Paris, France). Leur crime? «Corruption d’agents publics étrangers » portant sur les conditions d’obtention en 2010 des terminaux à conteneurs de Conakry en Guinée d’Alpha Condé et Lomé au Togo de Faure Gnassingbé.
Très concrètement, les magistrats soupçonnent les dirigeants du groupe d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs. Et nommément, Faure Gnassingbé, le président togolais et son homologue de Guinée Conakry, Alpha Condé, sont cités.
Bolloré et le juteux Port autonome de Lomé
Au Togo, le groupe Bolloré a remporté en 2009 – quelques mois avant la réélection de Faure Gnassingbé l’année suivante – la concession du terminal à conteneurs du port autonome de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. Une décision elle aussi contestée, cette fois par un autre concurrent. On se rappelle que Jacques Dupuydauby, ancien associé de Bolloré Lomé, avait multiplié les recours judiciaires pour dénoncer les conditions dans lesquelles il considère avoir été évincé.
Condé cède le port de Conakry à son “ami” Bolloré
En novembre 2010, Alpha Condé accède à la magistrature suprême à la suite de la première élection libre du pays, qui sort de cinquante-deux ans de régime autoritaire. Une élection omineuse pour le groupe français Necotrans, spécialisé dans la logistique portuaire en Afrique. Dès mars 2011 en effet, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 pour une durée de vingt-cinq ans à sa filiale Getma, est rompue. Alpha Condé confie la gestion du port à son « ami » Vincent Bolloré. Une bataille judiciaire est alors engagée en France par son rival Necotrans, qui finira en redressement judiciaire et dont une partie des actifs seront rachetés pour une bouchée de pain par Bolloré à l’été 2017.
Ces ennuis judiciaires de Vincent Bolloré et d’autres dirigeants du puissant empire français surviennent au moment où au Togo, Faure Gnassingbé fait face à une grave crise politique avec pour principal enjeu sa représentation ou non à la présidentielle de 2020, après trois mandats consécutifs à la tête du pays. Une crise dont la gestion est confiée justement à Alpha Condé, entre autres présidents africains.
Ces déboires judiciaires de Bolloré signifient-ils que derrière, Faure Gnassingbé et Alpha Condé sont aussi visés? Cette affaire rappelle le matraquage médiatique qui a entouré, dans l’Hexagone, les manifestations politiques togolaises. On citera le fameux “lâche le trône” sur Canal + qui avait braqué les projecteurs sur la gouvernance politique et économique sous les Gnassingbé durant ces cinquante dernières années.
Vincent Bolloré, le tout puissant, le vénéré des palais présidentiels africains, passer une nuit dans un commissariat? Est-ce le début de la chute d’un empire aux ramifications insoupçonnables? S’achemine-t-on vers un scénario à la Elf, un puissant réseau de corruption démantelé par Eva Joly, un réseau tissé par des patrons et des hommes politiques français et africains? Le feuilleton ne fait que commencer…