Côte d’Ivoire: réactions du camp Soro après l’interpellation de Méité Sindou

Dimanche 17 juin, Méité Sindou, un proche du président de l’Assemblée nationale ivoirienne a fait l’objet de “contrôle supplémentaire” par la police des frontières, à l’aéroport d’Abidjan alors qu’il devait embarquer pour Paris. «Tout s’est bien passé. C’est au contrôle de police autour de 22h30 (UTC, ndlr) que je vois, après les contrôles normaux, la sous-officier de service prendre un temps inhabituellement long», a-t-il confié à nos confrères d’Alerte Info. “J’ai vu des officiers sortir un gros cahier qui ressemble à un compulsoire, avec des noms et des marques rouges devant certains noms», a-t-il ajouté, au moment où il était prié de se rendre dans un bureau pour des “contrôles supplémentaires”.

Il n’en fallait pas plus pour susciter le courroux de l’entourage de Guillaume Soro. «Il est hors de question que la liberté de circulation et la liberté d’expression des honnêtes citoyens soient négociées, voire mendiées au quotidien en Côte d’Ivoire. Ce sont des droits fondamentaux. Un régime qui les piétine, réprime et opprime le peuple», a vigoureusement réagi Franklin Nyamsi, Conseiller du président de l’Assemblée ivoirienne.

Tout cela participe des manœuvres du pouvoir du président Ouattara pour écarter GSK (Guillaume Kigbafori Soro, ndlr) dans la perspective 2020. Mais ils ont tiré à terre“, met en garde, sous anonymat, un autre collaborateur de Soro.

Une situation qui cristallise le débat dans une Côte d’Ivoire où les récentes déclarations du président de la République font croire qu’il pourrait briguer un troisième mandat en 2020, à condition bien entendu que le successeur de Laurent Gbagbo parvienne à berner l’autre bête politique ivoirienne, Henri Konan Bédié, et ses partisans, qui voient en la sortie d’ADO, une tentative de se soustraire à certaines promesses qu’il a faites.

Giovanni KOFFI

 

Côte d’Ivoire: l’idée d’un troisième mandat de Ouattara passe mal

C’est une déclaration qui défraie la chronique en Côte d’Ivoire depuis dimanche. Pour Alassane Ouattara, si la Constitution de son pays limite à deux le nombre de mandats présidentiels, sa réforme en 2016 remet les compteurs à zéro. Pascal Affirmé Nguessan,  le patron du Front Populaire Ivoirien (Foi),  parti fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo,  M.  Ouattara tient une position peu correcte.

« C’est une position qui n’est pas intellectuellement et politiquement correcte, acceptable, dans la mesure où le chef de l’Etat sait bien que la volonté qui est exprimée à travers la limitation des mandats : en Côte d’Ivoire, comme de façon générale à l’heure actuelle en Afrique, c’est qu’un citoyen ne puisse pas faire plus de deux mandats. C’est ça qui est la volonté politique qui est transcrite par la loi, par la Constitution ».

Le candidat malheureux à la présidentielle de 2015 estime qu’un nouveau mandat en 2020 pour Alassane Ouattara violerait la Constitution et son esprit : « Monsieur Ouattara a fait deux mandats, je ne comprends pas comment il peut imaginer un troisième ou un quatrième mandat. Ce serait même une violation flagrante de la Constitution et de la volonté exprimée par les Ivoiriens à travers la Constitution. On ne peut pas dire que l’application de la loi dépend des circonstances, des situations ou des ambitions des uns et des autres. La loi, c’est la loi. Et il n’est pas le seul Ivoirien capable de maintenir la paix et la stabilité du pays, d’ailleurs il ne l’a pas fait. Monsieur Ouattara ne peut pas être candidat. Et vouloir le faire, c’est chercher encore à créer l’instabilité et les affrontements en Côte d’Ivoire ».

Dans les rues d’Abidjan,  c’est l’incompréhension totale.  Des jeunes interrogés par France 24 se disent surpris par ces propos du président.  Certains de ces jeunes,  pour la plupart des étudiants,  voient en cette volonté du successeur de Gbagbo,  les germes de la réédition des violences post-électorales de 2010-2011 qui avaient fait plusieurs milliers de victimes et dont la Côte d’Ivoire ne s’est toujours pas encore remis,  malgré les apparences.

En tout cas,  cette déclaration d’Alassane Ouattara intervient dans un contexte de tractations pour transformer la coalition au pouvoir,  le RHDP,  en un parti politique en vue de dégager un candidat unique dans la perspective du scrutin de 2020. Un candidat unique qui pourrait aussi se nommer Henri Konan Bedie ou Guillaume Kigbafori Soro.

Pendant ce temps,  c’est le président du Niger, Mamadou Issifou,  qui s’attire la sympathie de la jeunesse de son pays et d’Afrique,  en réitérant lundi qu’il ne briguera pas un troisième mandat en 2021. Sous réserve bien entendu qu’il ne fasse pas volte-face in extremis comme c’est de coutume sur le continent.

Alassane Ouattara disqualifié pour régler la crise togolaise ?

“La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes”, a déclaré M. Ouattara, dans un entretien à  Jeune Afrique.

Des propos qui contrastent avec les premières déclarations du président ivoirien au lendemain de la modification de la Constitution ivoirienne en 2016, qui remettait les compteurs à zéro. À l’époque, Alassane Ouattara la possibilité d’un troisième mandat.

Simple effet d’annonce ou réelle volonté d’un président qui a fini par prendre goût aux délices du pouvoir ?  En tout cas,  ADO justifie sa nouvelle position par le souci de mettre la Côte d’Ivoire à l’abri de toute instabilité.  Mais pour certains observateurs, le président utilise la “menace” de se représenter pour faire taire les querelles internes nées de la guerre de succession qui a déjà commencé.
En même temps, le président tente de transformer en partie la coalition au pouvoir afin d’organiser une primaire pour la présidentielle de 2020.

Quoi qu’il en soit,  le chemin vers un troisième mandat d’Alassane Ouattara est jonché de plusieurs embûches.  Il faudra d’abord pour l’ancien directeur Afrique du FMI de convaincre le PDCI et son emblématique président Henri Konan Bedie pour qui l’heure du retour de l’ascenseur a enfin sonné.  Avec la réforme constitutionnelle de 2016, ADO est certain d’avoir “neutralisé” Guillaume Kigbafori Soro désormais quatrième personnalité au sommet de l’Etat.  Mais l’ancien chef des rebelles de Bouake n’a pas encore dit son dernier mot.  Même si les ennuis judiciaires peuvent à n’importe quel moment se déchaîner contre lui,  l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne reste encore un homme très écouté par les ex-rebelles reconvertis en forces loyales à  la gâchette facile pour oui ou pour un non.

De toutes les façons,  cette déclaration d’Alassane Ouattara résonne mal dans les oreilles des partisans de l’opposition togolaise. “C’est ce Alassane Ouattara qui va régler la crise politique togolaise ?  Quels conseils va-t-il donner à Faire Gnassingbe ? “, peste un militant d’un parti membre de la coalition des 14.

“Si monsieur Ouattara dont la Constitution de son pays limite les mandats présidentiels est prêt à briguer un troisième mandat,  ce n’est pas Faure qu’il dira de quitter le pouvoir alors que la Constitution ouvre un boulevard devant lui”, ironise un web-activiste de UNIR,  parti présidentiel au Togo.  De quoi faire répliquer un autre militant de l’opposition: “force à la rue”.