Togo, les réformes politiques Un monstre qui fait peur au pouvoir

L’image du Togo importe-il aux premiers décideurs du pays ? Non pas du tout, par rapport à leur comportement de tous les jours. Ils sont obnubilés par des calculs égoïstes, des intérêts partisans à défendre au point où la grandeur, le rayonnement du Togo semblent être la dernière préoccupation de ces gourous du système.

Au Togo, la gestion qui est faite des reformes à opérer pour consacrer l’embonpoint politique, économique et social est une série d’occasions manquées. Laisser l’essentiel utile pour consacrer les énergies au futile, telle est la préoccupation des tenants du système.

Les reformes sont devenues pour le pouvoir, un monstre qui fait peur. Rien que lorsque la question liée aux reformes s’invite dans le débat national, les tenants de l’ordre ancien perdent sommeil et appétit. Depuis les 22 engagements, en passant par l’APG, le CPDC, le CPDC rénové, les conclusions de la CVJR, l’atelier de réflexion organisé par le HCRRUN et la tournée de la même institution, sans oublié le rapprochement RPT-UFC, tout a été fait pour mimer que pour faire sérieux. Qu’est-ce-qui peut justifier cette déconcertante  crise de nerfs dont certains font montre quand on se met sur le terrain des reformes ?

Ne mesure-t-on pas la gravité de la situation au regard des derniers événements survenus dans le pays pour se résoudre à finir une fois pour de bon avec cette lancinante question ? La crise née des événements du 19 août 2017 devrait être l’élément déclencheur d’un nouveau sursaut qui aurait été celui de tous les espoirs. La curiosité vient du fait qu’une nouvelle crise soit en gestation dans une grande qui hante les esprits depuis 2005. Rien ne peut justifier cet injuste chemin de croix imposé à toutes les formes d’actions menées pour arriver à bout de ce que certains considèrent à tort comme un monstre.

violentes crises. D’ailleurs,  c’est cette volonté de tout assujettir qui fait que les  recommandations d’une CENI technique n’ont jamais reçu l’adhésion du pouvoir. Tous les présidents de la CENI, du moins la plupart se considèrent comme des commis au service du pouvoir. Ce qui les a toujours poussés à tout faire même à s’avilir pour ne pas déplaire au système. Une allégeance du premier responsable de la CENI qui fausse le travail empreint de transparence devant avoir lieu à ce haut lieu. Kodjona Kadanga vient de signer sa carte de l’impartialité et continuer le travail avec lui équivaudrait à donner une certaine onction à tout ce qui est en préparation. La lancée du pouvoir inquiète, on ne semble même pas gêné par le concert de condamnations et d’indignations soulevé par le travail qu’a lancé la CENI. On semble avoir une fixation sur la date du 20 décembre. Pour le pouvoir, c’est clair, le 20 décembre relève d’un alibi pour opérer un passage en force et perpétrer le hold-up électoral plutôt que mu par une réelle volonté de tenir dans le temps pour éviter que le vide à l’Assemblée nationale perdure. La conservation du pouvoir, oui. Mais il faut surtout que cela se fasse avec un strict minimum d’étique et que tous les protagonistes partent sur le même pied d’égalité de réussir le challenge. Le cynisme, c’est de tout piper, de tout verrouiller et de dire que c’est l’opposition qui est de mauvaise foi. Le drame qu’aucun esprit ne pourrait admettre, c’est que le pouvoir choisisse à la place de l’opposition les représentants dits de l’opposition extra-parlementaire et de la société civile. Une bêtise grandeur nature qui mérite d’être réparée.

Organiser des élections propres par le système RPT-UNIR s’apparente à un exercice  difficile à faire. D’ici le mercredi prochain, les gros nuages noirs qui s’amoncèlent à nouveau au-dessus de nos têtes pourraient-ils être dégagés avec l’arrivée des émissaires de la facilitation et du comité de suivi? On croise les doigts, arrête la respiration et implore Dieu pour cette fin.

Togo: On balise la voie pour le 31 juillet

Les facilitateurs de la CEDEAO l’ont dit et redit: il faut autoriser les manifestations de l’opposition dans les villes en état de siège de fait depuis plusieurs mois.  À partir du 20 juillet,  la coalition de l’opposition expérimentera pour la première fois cette liberté retrouvée dans les villes de Sokodé,  Tchamba,  Bafilo et Mango.

L’autre exigence de Nana Akufo-Addo et Alpha Condé reste la libération de toutes les personnes arrêtées et jetées en prison dans le cadre des manifestations de l’opposition.  Même s’ils sont encore nombreux dans les geôles,  Faure Gnassingbé a accordé mardi la liberté provisoire à de 12 détenus et une remise de peine à 7 autres dans trois centres carcéraux du Togo.  Une grâce présidentielle qui s’analyse comme un signe de bonne volonté pour décanter la crise qui secoue le pays depuis le 19 août.

Dans la foulée,  on annonce pour jeudi une rencontre entre la Coalition présidée par Brigitte Adjamagbo-Johnson et la Commission de la CEDEAO,  en vue de la réouverture du dialogue inter-togolais.

De part et d’autre,  on note une volonté de voir enfin se terminer le statu quo. D’un côté,  le gouvernement se dit “prêt à opérer les réformes“, ainsi que l’a rappelé le ministre Octave Nicoué Broohm.  De l’autre,  la Coalition de l’opposition s’est montrée très prudente en maintenant ses manifestations d’avant le sommet de la Cedeao,  malgré la “désolidarisation” du PNP de Tikpi Atchadam pour des raisons que la C14 dit comprendre tout de même.

Reste à présent que les recommandations qui seront issues de la rencontre des chefs d’État et de gouvernement de l’espace sous-régional soient acceptées et respectées par les deux parties.  Car comme l’a dit l’ambassadeur de France près le Togo,  Marc Vizy, “les recommandations de la CEDEAO sont déterminantes pour le Togo“.

Alpha Condé: “nous n’avons pas appelé à des élections” au Togo

Alpha Condé et Nana Akufo-Addo ont-ils fixé de date pour la tenue des élections législatives au Togo ? Non, répond le premier. Lundi sur France 24, en marge du sommet de l’Union Africaine qui se tient à Nouakchott, le président guinéen a tenu à clarifier les choses. “Nous n’avons pas appelé à des élections au Togo. Le problème qui se pose, c’est que l’opposition reproche au gouvernement de préparer des élections sans consensus. […] Nous avons demandé que le parlement actuel reste en place jusqu’à l’élection d’un nouveau parlement et que le gouvernement arrête la préparation des élections. Évidemment, il serait irresponsable de notre part de ne pas donner une date indicative. Nous avons seulement donné une date indicative. Nous n’avons pas appelé à des élections”, a déclaré Alpha Condé.

Quant à l’issue de la crise,  le facilitateur guinéen a estimé que les positions sont très tranchées malgré quelques acquis. “Il y a eu quelques pas, ceux qui ont été arrêtés dans le cadre des manifestations ont été libérés. Le gouvernement a accepté que l’opposition puisse reprendre ses manifestations en accord avec les forces de sécurité pour que cela n’aboutisse pas à des morts ou à des destructions des biens publics. Au début, après ma rencontre avec les opposants, on a même libéré des imams alors qu’on les accusait de djihadisme. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de progrès mais nous sommes loin de la solution. Les positions du pouvoir et du gouvernement sont très éloignées. Mais nous ne désespérons pas. Nous pensons que progressivement nous arriverons à les amener au consensus. Déjà, il y a deux acquis fondamentaux : les élections à deux tours et la limitation des mandats à deux“, a-t-il expliqué.

Faure Gnassingbé cherche-t-il à s’accrocher au pouvoir en manipulant la constitution ? À cette question de Marc Perelman, le président Condé répond: “nous faisons confiance au président Faure tout comme nous faisons confiance à l’opposition. Je dis clairement que nous ne sommes pas un syndicat de chefs d’État qui se soutiennent entre eux, mais nous ne sommes pas non plus des pyromanes. Ce qui importe pour nous, c’est qu’on tienne compte de la volonté du peuple togolais et qu’il y ait un gouvernement qui l’accepte et qui représente ses intérêts et que le pays se développe.

Nous ne soutenons ni le président Faure ni l’opposition. J’ai déjà dit au niveau de l’Union européenne qu’au niveau de l’Union africaine, nous ne sommes pas un syndicat de chefs d’État. Nous devons respecter les droits de l’homme et nous devons appliquer la démocratie tel que nous le voyons nous-mêmes, pas comme on nous l’impose. Nous connaissons les règles universelles de la démocratie mais c’est notre responsabilité. Mais nous ne sommes pas complices, nous nous défendons pas les uns les autres”, a conclu Alpha Condé.

Voilà qui a le mérite d’être clair et qui va mettre fin à la polémique autour du communiqué ayant sanctionné les travaux du quatrième round du dialogue la semaine dernière, pouvoir et opposition se livrant une guerre d’interprétation sans merci.

Togo: le parti ADDI en grand meeting de sensibilisation ce samedi à Lomé

“Réformes constitutionnelles et institutionnelles”, “engagement politique des jeunes et des femmes et libertés citoyennes”, “absence de décentralisation, frein au développement”, seront les principaux thèmes sur lesquels portera ce grand meeting de sensibilisation dont le but est d’amener les populations à mieux cerner les vrais enjeux politiques du moment.

Parti parlementaire membre de la Coalition des quatorze partis de l’opposition, ADDI a fait de l’éducation de la masse L’ADN de son combat politique. Le meeting de ce samedi est la suite d’une série de rencontres déjà organisées dans la région des Plateaux notamment dans les préfectures de Danyi et de Wawa.

Depuis quelque temps, le regroupement des quatorze partis, à défaut des manifestations de rue, organise régulièrement des meetings dans différents quartiers de la capitale togolaise pour “garder allumée la flamme de la lutte” pour l’alternance. Ils sont sur tous les fronts. À côté du dialogue politique qui a repris cette semaine et en attendant les recommandations du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, une délégation de la C14 séjourne depuis mercredi en Europe pour explorer les voies d’une sortie de crise pacifique.

Dialogue politique : les facilitateurs tiennent à la paix et la stabilité du Togo

À l’ouverture des discussions mercredi à l’hôtel du 2 Février à Lomé,  Alpha Condé et Nana Akufo-Addo ont salué les efforts déployés par les parties prenantes togolaises en vue du dénouement heureux de la situation que traverse le pays depuis dix mois.

Tout en exprimant leur satisfaction pour l’esprit qui a prévalu tout au long de ces discussions, les deux présidents disent avoir noté avec satisfaction la disponibilité des principaux acteurs de la crise à “œuvrer ensemble pour parvenir à un climat  sociopolitique décrispé et apaisé dans l’harmonie et la cohésion entre les différentes composantes de la société togolaise“.

Le communiqué final des travaux de ce mercredi montre clairement le prix que les deux hommes attachent à la paix et la stabilité au Togo et dans la sous-région ouest-africaine. Ainsi,  pour que la paix et la stabilité règnent au Togo, “les  facilitateurs invitent instamment tous les partis politiques et toutes les forces vives
togolaises à s’abstenir de tout acte et de tout agissement susceptible de constituer une menace à la paix et à la stabilité du Togo et de la sous-région“.

Pour cela,  ils appellent chaque partie à la retenue et demandent notamment au gouvernement de prendre certaines mesures allant de la libération des personnes arrêtées dans le cadre des manifestations politiques à la suspension du processus électoral jusqu’en novembre,  en passant par l’autorisation des manifestations  dans certaines villes du pays (Sokode,  Bafilo,  Mango,  ndlr) “dans le respect de l’ordre public”. La recherche des “armes emportées” lors des manifestations des 19 et 20 août reste également une priorité pour les deux facilitateurs qui en appellent à la collaboration des populations avec les autorités publiques.

La résolution de la crise politique togolaise ne se fera pas sans tenir compte de la paix et la stabilité qui doivent prévaloir dans le pays et par-delà dans l’espace communautaire. Couper la poire en deux,  voilà sans doute la difficile équation à résoudre par les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao qui se réunissent prochainement en sommet à Lomé.

Ambroise D.

Togo: une délégation de la C14 attendue ce mercredi à Berlin

C’est ce mercredi 27 juin que reprennent à Lomé les discussions sur la crise politique togolaise.  Les deux facilitateurs désignés de la CEDEAO sont attendus dans la capitale togolaise.  Parallèlement à cela, la Coalition des 14 partis d’opposition poursuivent leur offensive diplomatique.

Une délégation de ce regroupement composée de Nathaniel Olympio du Parti des toggolais,  Nicodème Habia, le leader du parti Les Démocrates et Paul Dodji Apevon des FDR, sera reçue ce mercredi même au ministère allemand des affaires étrangères à Berlin, pour évoquer la situation togolaise.

Cette rencontre intervient quelque temps après un voyage d’une délégation de la même coalition, reçue au département d’Etat américain, puis au ministère français des affaires étrangères.

Crise politique togolaise : l’approche ‘‘perdant-perdant’’ de la ‘‘Nouvelle Vision’’ de Kodjovi Thon

Dix mois maintenant que le Togo vit au rythme des manifestations de rue, dix mois de tension politique entre pouvoir et opposition divisés sur la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Entre un dialogue politique à l’agonie et une Communauté de chefs d’Etat qui suivent de près la situation, les Togolais sont partagés entre espoir et résignation. On parle de recommandations qui pourraient être issues du prochain sommet de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao. S’achemine-t-on vers une décrispation ou un enlisement de la crise ? Dr Kodjovi Aubin Thon, président de la « Nouvelle Vision » propose une nouvelle thérapie pour une sortie de crise durable.

Déjà en septembre 2017, il indiquait la voie. La philosophie de Dr Kodjovi Aubin Thon n’a pas changé depuis là. Le président de ‘‘Nouvelle Vision’’ s’est encore exprimé sur la crise politique togolaise dans un entretien télévisé, une émission qu’il est utile de revisiter à travers cet article.

D’abord sur l’opportunité ou non des manifestations de rue, il est sans équivoque! « Les Togolais prennent la rue parce qu’ils dénoncent des conditions de vie déplorables. Ils sont dans la rue pour contester la gouvernance. Enfin les manifestations de rue trouvent leur justification en ce que les attentes du peuple n’ont été toutes comblées », a-t-il déclaré dans l’émission New World Forum, présentée par Gilles Bocco. Toutefois, relativise-t-il, « s’il est bon de prendre la rue, il est mieux de réfléchir à des formules pour trouver la solution au problème qui pousse à prendre la rue ». La solution au problème posé, voilà la quadrature du cercle. Et c’est pour cela que Dr Thon pense que « chacun a sa façon d’exprimer son mécontentement ». « Pour certains, poursuit-il, c’est la manifestation de rue, pour d’autres, il faut réfléchir et trouver des idées pour résoudre le problème, tandis que pour d’autres encore, la recherche de moyens pour aider à régler le problème, reste la première préoccupation ».

Identifier tous les acteurs impliqués dans la crise

Pour ce Togolais qui compte faire profiter son expertise acquise essentiellement aux États-Unis, le peuple a déjà fait sa part en exprimant ses aspirations. Il appartient désormais aux leaders politiques de réfléchir à comment résoudre l’équation, car « la rue ne gouverne pas ». Il faut donc des stratégies appropriées qui, d’après ‘‘Nouvelle Vision’’, se déclinent en trois axes. Une première étape qui consiste à identifier tous les acteurs impliqués dans la crise. « Le dialogue aurait pu être un début de solution, mais les gens ont commis l’erreur de n’avoir impliqué que deux acteurs (pouvoir et opposition, ndlr) de la crise », explique-t-il. Il faut ensuite comprendre et maîtriser les inquiétudes de chaque acteur, pour enfin trouver une solution résultante qui satisfasse tout le monde tout en s’assurant la continuité de l’Etat.

Les acteurs impliqués dans la crise sont, selon Dr Thon, le pouvoir, l’opposition, la masse générale, la diaspora, les multinationales et la Communauté internationale. « Tous ces acteurs doivent être pris en compte dans la recherche de solution à la crise parce que chacun d’eux a des intérêts dont il faut absolument tenir compte ».
Quant à l’armée, le patron de ‘‘Nouvelle Vision’’ considère qu’on ne doit pas faire d’elle « un acteur politique mais un outil de la politique », ajoutant que « quoi qu’on dise, l’armée est un outil pour le pouvoir quel que soit celui qui gouverne ».

‘‘Une ambition inappropriée’’

L’autre point d’achoppement des discussions entre pouvoir et opposition reste la question du départ immédiat ou de la non-représentation du président actuel au scrutin de 2020. « Cette exigence est une ambition inappropriée », défend Kodjovi Thon expliquant que cela pourrait amener les gouvernants actuels à pratiquer la politique de la terre brûlée avant 2020. « Si ceux qui sont au pouvoir actuellement se sentent menacés, alors leur réaction sera d’être braqué et ce sont les caisses vides qu’ils laisseront à ceux qui viendront après eux », soutient-il.

Alors concrètement que proposent Dr Thon et sa “Nouvelle Vision” pour une sortie de crise? « Il faut un gouvernement de compétences pour les deux prochaines années, qui s’ouvre à tous les acteurs qui aspirent à diriger les affaires de ce pays », propose-t-il, car « cela aura l’avantage de permettre aux différents acteurs de se connaître et de se rassurer mutuellement ». Une proposition qui résonne comme le souhait d’une période de transition ainsi que le demandent certains acteurs de l’opposition. Dr Kodjovi Thon s’explique: « gouvernement d’union nationale, gouvernement de compétences, ce ne sont que des mots, tout ça. Il faut sortir des concepts politiques pour proposer de véritables alternatives au peuple qui n’a besoin que du pain et de l’eau. La transition suppose qu’il y ait rupture dans le fonctionnement de l’Etat, or nous ne sommes pas dans ce cas. Le président actuel est élu pour un mandat qui court jusqu’en 2020 ». Selon le président de ‘‘Nouvelle Vision’’, en l’état actuel des choses, tous les acteurs impliqués dans la crise togolais ont perdu et devraient le reconnaitre pour « laisser émerger une nouvelle vision ». « Ce serait alors une option qui n’avantage ni le pouvoir ni l’opposition, mais qui avantage le peuple dont l’intérêt est le seul qui compte. On appelle ça une approche perdant-perdant. Ainsi, en fin de compte, tous les acteurs y gagnent même sans s’en rendre compte », a-t-il expliqué.

« Stratégiquement, le travail qui doit se faire aujourd’hui, c’est la sensibilisation. Ce n’est pas de dire quand est-ce que vous partez pour que nous venions, mais c’est assurer la continuité de l’Etat et s’assurer aussi que l’élection de 2020 donne des résultats-solution », a poursuivi le président de Nouvelle Vision, ajoutant que « cela peut se faire avec ou sans le président actuel. Inutile d’approfondir cet angle de la chose. Ça s’appelle des secrets politiques », a conclu celui qui s’est positionné depuis 2016 déjà, comme candidat à ce scrutin.

Ambroise D.

Togo: pour un scrutin apaisé, des OSC demandent une rallonge du délai constitutionnel

Dans une déclaration conjointe signée lundi, les sept Organisations de la Société Civile, tout en félicitant la Cour Constitutionnelle pour son “sens de respect des principes constitutionnels en vue du bon fonctionnement de l’Etat” en invitant récemment la Commission électorale nationale indépendante et le Gouvernement à organiser les élections législatives avant la fin de l’année, expriment des réserves quant à l’heureuse issue d’un processus électoral lancé dans le contexte politique actuel. “Le Groupe des sept Organisations de la société civile prend acte dudit communiqué et félicite M. le Président et ses collaborateurs pour leur sens de respect des principes constitutionnels en vue du bon fonctionnement de l’Etat. Toutefois, le groupe des 7 OSC, mesure les enjeux liés à l’invitation lancée aux acteurs politiques pour la tenue des élections avant la fin de l’année 2018, en l’absence d’un consensus sur les points de discussions prévues au dialogue“, lit-on dans le document.

Les sept OSC suggèrent donc une rallonge du délai constitutionnel car, soutiennent-elles, “les élections au Togo sont souvent source de conflit dû au désaccord autour des préparatifs et de la conduite du processus global“. Elles rappellent aussi que “le règlement intérieur du dialogue prend en compte dans son ordre du jour la question des réformes constitutionnelles et électorales en vue d’en sortir des résolutions pouvant réduire les désaccords autour de ces réformes“.

Ce collectif d’organisations invite en conséquence “les parties prenantes à reprendre le dialogue puisqu’il est nécessaire de trouver une solution politique à la crise avant de planifier les élections à venir et à accélérer les discussions en vue de donner du temps suffisant à la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et électorales.

Antoine Folly : “le règlement du problème togolais revient d’abord aux Togolais”

Quelque chose de bon pourra-t-il sortir du prochain sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao)? En tout cas, les Togolais attendent impatiemment cette rencontre des Chefs d’État et de gouvernement, censée prendre des recommandations devant permettre la résolution de la crise politique actuelle. Pour Antoine Folly de l’Union des Démocrates Socialistes (Uds-Togo), parti membre de la coalition des quatorze partis de l’opposition, l’organisation sous-régionale ne peut régler le problème des Togolais à leur place.

Les discussions entamées le 19 février dernier, à la suite de la crise politique déclenchée le 19 août 2017, est actuellement au point mort. Parmi les points de désaccord entre pouvoir et opposition, la question de la représentation ou non du président actuel à la présidentielle de 2020. Le parti au pouvoir accuse notamment la Coalition des 14 de bloquer le dialogue en personnalisant les débats liés aux réformes. “Aujourd’hui, la Coalition reprend à l’identique le projet de loi proposé en 2014 par le gouvernement lui-même. Dans ce projet de loi, il ne figurait aucune disposition particulière relative à la candidature de Faure Gnassingbe. Alors pourquoi subitement la question de la candidature du chef de l’État devient une préoccupation pour eux ? C’est eux qui bloquent les discussions, pas l’opposition“, a expliqué ce matin Antoine Folly sur radio Nana Fm, ajoutant : “réformons le Togo indépendamment des hommes qui sont mortels“.

Le patron de L’Uds-Togo s’indigne de ce que le pouvoir de Lomé veuille lier le sort de tout le pays a celui d’un homme. “Est-ce que vous trouvez normal que le sort de toute une nation dépende d’un seul homme? Donc si Faure Gnassingbe n’est pas candidat, alors le pays ne doit pas avancer ?”, s’est-il interrogé.
Face à ce blocage qui “n’arrange personne“, tous les regards sont désormais tournés vers le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, rencontre qui se tiendra le 31 juin à Lomé. Pour Antoine Folly, que personne ne se trompe, la communauté sous-régionale ne viendra pas avec une solution toute faite pour les Togolais. “La Cedeao ne peut rien imposer aux Togolais. Elle doit tenir compte des aspirations du peuple dans ses recommandations“, a-t-il déclaré, avant d’indiquer la voie à suivre. “Ce que la Cedeao doit faire, poursuit-il, c’est de faire pression sur le régime afin qu’il prenne conscience de la gravité de la situation actuelle“.

Pour terminer, l’ancien ministre des Sports inviter les Togolais à prendre leur destin en main, affirmant que “le règlement du problème togolais revient d’abord aux Togolais“.

Ambroise D.

Macron sur le Togo : le grand malentendu

Le récent emballement médiatique occasionné dans le sillage des propos du président français Emmanuel Macron, interpellé dans les rues de Montréal le 7 juin dernier par un activiste de la diaspora togolaise, en marge du sommet du G7, sur la crise qui sévit au Togo fournit une leçon de choses sur l’état de délabrement du débat public dans le pays. Instrumentalisation partisane, déformation et trituration du sens, hyperbolisation de phrases voire lecture sélective du propos. Et le diagnostic n’est pas exhaustif.

Les interprétations de part et d’autre du spectre politique togolais ont nimbé le propos du président français d’un voile d’inintelligibilité, alors même que l’intervention fut brève (trois minutes d’échanges) et les incises assez précises. Il faut néanmoins observer que le président français entretient sur la question togolaise un flou artistique qui a quelque peu brouillé les feux de signalisation ouvrant sur le sens unique de son tour de pensée. Ainsi, au quartier général de la coalition des quatorze (C14) on a cru y entrapercevoir un feu vert en faveur de l’alternance au Togo, alors qu’à Lomé II on s’est plutôt focalisé sur le feu rouge fixé en ce qui concerne la violation de la souveraineté du pays. Pour excaver la substance du propos macronien sur la crise togolaise des nappes discursives sous lesquels les différents partis politiques togolais tentent de l’engoncer, il faudrait commencer par la passer au crible des deux feux croisés, prendre véritablement Emmanuel Macron aux mots et sur les faits.

Prendre macron aux mots

Commençons par une analyse du matériau (c’est-à-dire de l’interview filmée avec un smartphone) et une exploration du contexte de l’énonciation. À toutes fins utiles, il faut rappeler qu’il existe différents registres d’intervention en politique. Une déclaration n’est pas une réaction subito presto à une interpellation, qui, elle-même n’est pas une polémique. Si la première est réfléchie et préparée, la seconde est souvent improvisée, alors que la dernière a une visée purement formelle ou esthétique. À cet égard, les ambivalences apparentes dans l’interprétation des réponses d’Emmanuel Macron ne sont que les reflets de la mauvaise foi des médiateurs ou des conditions circonstancielles de la prise de parole. Pour ce qui concerne le contexte, observons qu’il est difficile de formuler une pensée informée quand on est pris à partie par un inconnu, alors qu’on déambule tranquillement sous un soleil printanier dans le centre de Montréal. Malgré ces conditions inoptimales, le discours est resté fidèle à une certaine « cohérence » revendiquée par le président français. Cela étant dit, on peut souligner l’incroyable connaissance intime du dossier togolais dont a fait preuve Emmanuel Macron qui n’a pas bafouillé ni bégayé, face aux saillies de son interlocuteur.

Afin d’éviter tout biais analytique, il ne faut donc pas prendre cette intervention pour ce qu’elle n’est pas et se garder de surinterpréter une prise de parole non intentionnelle, totalement improvisée et arrachée à brûle-pourpoint. Par exemple, ne pas confondre cette dernière réaction avec les positions fermes formulées en novembre 2017 à Abidjan, dans une interview accordée à France24. Par ailleurs, le discours politique vise trois finalités génériques que sont l’information, la polémique ou la prescription. Dans la réponse à l’apostrophe de Montréal, il y avait plus d’éléments discursifs de commentaire d’une position déjà exprimée in extenso que de nouveaux éléments prescriptifs devant bouleverser radicalement la donne au Togo. De façon intrinsèque, la prose macronienne affleure dans un marais d’ambigüité, au nom de son fameux principe du « en même temps ».

Pris aux mots, Emmanuel Macron diffuse l’impression d’un jeune étudiant indécis, très fort en thèse et en antithèse, mais qui ne tranche que rarement (synthèse) ou débouche parfois sur de la foutaise. Par rationalisation a postériori, il y avait entre son interview d’Abidjan et sa réaction à Montréal un rapport de symétrie relative dans un discours qui souffle le chaud et le froid. Alternativement, de quoi réjouir Kodjindji et de quoi rassurer Lomé Il. Pour ressaisir la teneur de cette parole dérobée et l’associer à un système de référence qui lorgne entre ruptures et continuité, il faut déconstruire le commentaire lui-même après avoir fait de même avec les commentaires du commentaire qui l’obstruent. Depuis une décennie, la politique étrangère de la France en Afrique, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est tenaillée entre deux dilemmes insolubles, d’une part une tradition paternaliste interventionniste, et d’autre part, un devoir de non-ingérence qui reste à inventer.

Prendre macron sur les faits

Le discours de Macron sur la crise togolaise suit imperturbablement depuis novembre 2017 deux lignes de force: (1) la non-ingérence directe et (2) le leading from behind (diriger par l’arrière). La non-ingérence directe, qui n’est pas réductible à un devoir d’indifférence, a été théorisée à Ouagadougou en novembre 2017 à travers la formule : « il n’y a plus de politique africaine de la France ». Cette post-Françafrique repose sur l’idée-force d’une rupture avec effet immédiat du paternalisme postcolonial (les fameuses « erreurs du passé ») et d’un retrait volontaire français des crises africaines au profit de solutions africaines plus volontaristes. À l’épreuve du réel, cette nouvelle « méthode » est mise en pratique pour la première fois dans la résolution de la crise togolaise. Tiendra-t-elle ses lignes de crête et ses promesses ? Trop tôt pour y répondre.

Sans se laisser abuser par des promesses de ruptures répétées et jamais concrétisées, la fin proclamée de l’ingérence directe ne mettra pas un terme à une politique d’influence plus ou moins masquée de la France sur le continent. C’est à cela que répond le leading from behind, substitut et complément de l’ingérence directe, consistant à sous-traiter la crise togolaise à la Cédéao et à l’UA : solutions africaines aux crises africaines ! Seulement en apparences. Si le choix d’une médiation ghanéenne peut donner l’impression d’une rupture, elle n’en reste pas moins encadrée par la Guinée et la Côte d’ivoire, deux pays à même de faire suivre à la résolution de la crise des directives compatibles avec la vision élyséenne. À propos de solutions compatibles orchestrables par Paris, le point fixe dans le discours macronien qui n’a pas fluctué depuis novembre dernier est : une « limitation du nombre mandats dans le temps » devant déboucher sur une élection inclusive et transparente comme moyen privilégié de sortie de crise au Togo.

Dans la perspective d’une « alternance ou d’une confirmation démocratique », une élection inclusive n’excluant pas a priori Faure Gnassingbé, dont la transparence ne doit souffrir aucune contestation est l’option choisie par l’Élysée. Cette position réitérée par le président français à Montréal ne l’autorise donc pas à exaucer le vœu de ceux qui voudraient qu’il passe outre les initiatives sous-régionales pour « dégager » Faure Gnassingbé. Au contraire, la France agissant de « façon cohérente » entend respecter et faire la souveraineté du Togo comme l’a martelé le président français. Autant de positions qui ne vont pas dans le sens souhaité par les partisans d’une alternance à très court terme.

Au surplus, l’insensibilité de Macron face aux suppliques de l’activiste togolais dénote d’une définition particulière du peuple. Quand le « militant de l’opposition » lui oppose l’argument d’autorité de la « volonté du peuple togolais », Emmanuel Macron lui a rétorqué non sans aplomb : « vous n’êtes pas la voix de tous les Togolais ». Cela en dit long sur l’état d’esprit du président français. En des termes moins diplomatiques, c’est une invitation à éviter d’inverser le numérateur (la rue) et le dénominateur (le peuple) dans la fraction politique. La partie n’étant pas extensible au Tout, la fraction ne dominant pas la totalité. Une conception philosophique du peuple qui n’est pas loin de la formule « la démocratie, ce n’est pas la rue » proférée à une journaliste de CNN à l’ONU par Emmanuel Macron en septembre 2017.

De plus, nous vivons un temps d’impuissance des puissants, l’Occident (les Etats-Unis au premier chef) commence par réaliser les coûts politique, économique et stratégique exorbitants de son interventionnisme frénétique, et surtout que le canon n’est pas la panacée face aux défis du monde. Depuis l’avènement d’Emmanuel Macron, la politique étrangère française est en train d’opérer une remise à niveau de ses priorités. Une vision géoéconomique, visant à sécuriser des partenariats stratégiques avec des pays-clés, a pris le pas sur le droit de l’hommisme abstrait des années Hollande et le paternalisme de ses prédécesseurs. La France macronienne assume une défense pragmatique des intérêts français (économiques, sécuritaires, etc.) par la promotion d’un pacte de sécurité global au nom d’une doctrine de projection de forces à l’extérieure pour y contenir les menaces. Cela se traduit par l’exportation de matériels militaires vers des régimes peu recommandables (Égypte, Arabie Saoudite, Togo, etc.), la constitution d’un bloc d’alliance incluant des régimes autoritaires et une diplomatie économique plus offensive. En deux mots, avec Emmanuel Macron la géoéconomique de la croissance prime sur la géopolitique des valeurs universalistes.

Alors faut-il se réjouir ou pleurer de la récente réaction d’Emmanuel Macron sur la crise togolaise, si tant est qu’on y a perçu l’équilibrisme subtil d’une position qui prône le statu quo sous couvert de rupture d’avec d’anciennes pratiques ? Dit autrement, faut-il escompter quoique ce soit de la France dans la lutte du peuple togolais ?

Radjoul MOUHAMADOU