Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara ou le renoncement au courage

La phrase qui a mis le feu aux poudres… “Nous devons travailler le Président Bédié et moi, main dans la main à transférer le pouvoir en 2020 à une nouvelle génération”, a laissé entendre Alassane Ouattara le 16 juillet à Abidjan, lors de l’assemblée générale constitutive du parti unifié, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), rassemblement que le PDCI de Konan Bédié ne semble pas pressé de rejoindre. La déclaration du président Ouattara, applaudie longuement par les militants dans la salle, a été aussitôt accueillie par une pluie de commentaires élogieux comme une volonté de renoncement au pouvoir. Une annonce qui, si elle s’avérait dans les faits, serait inédite dans l’histoire de la Côte d’Ivoire où son prédécesseur a été délogé manu militari du Palais présidentiel, et celui d’avant assassiné lors d’un coup d’Etat.

Dans la presse internationale, les avis sont également laudatifs. BBC Afrique a titré sans ambages : « Alassane Ouattara ne sera pas candidat en 2020 », alors que RFI Afrique s’est montrée étrangement mutique sur le sujet. Quant à Jeune Afrique, son site souligne très sobrement « Côte d’Ivoire : Ouattara évoque le transfert du pouvoir à une nouvelle génération en 2020 ». Une prudence relative car le site panafricain conclut que : « le chef de l’État a laissé entendre de manière assez transparente qu’il n’envisageait pas de briguer un troisième mandat, voyant le nouveau parti comme une sorte d’ANC (le parti de Mandela, ndlr) aux couleurs locales pour conduire les destinées du pays pendant encore des décennies ».

Son de cloche radicalement nuancé dans la presse ivoirienne, soixante-douze heures après sa déclaration, les réactions sont encore circonspectes. Koaci notamment s’interroge encore si le chef de l’Etat ivoirien va véritablement renoncer ou pas à briguer un troisième mandat en 2020. Malgré les concerts de louanges dans la presse africaine, le site ivoirien épingle le « flou » du président ivoirien sur la question du troisième mandat. Selon Koaci, Alassane Ouattara ne prend pas la peine de préciser explicitement « s’il sera candidat ou pas », même s’il martèle sa volonté de se faire succéder par une « nouvelle génération » après 2020. Autre question qu’il se pose : Ouattara se mettra-t-il en retrait avant ou après la présidentielle de 2020 ?

Dans l’absolu, ni la nouvelle Constitution du pays ni l’âge ni la déclaration du président du 16 juillet ne ferment la porte à une dernière candidature en 2020. Et un troisième mandat d’Alassane Ouattara n’interdit pas un rajeunissement du personnel politique ivoirien. Voilà qui complique davantage la résolution de l’énigme Ouattara et qui rend son annonce elliptique !

Que fallait-il entendre dans cette phrase du président ivoirien ? Que disent les non-dits de son discours du 16 juillet ? Capitulation ? Décision lucide ? Subterfuge politique ?

La déclaration d’Alassane Ouattara peut être interprétée de trois manières différentes.

La capitulation 

Le chant des sirènes d’un rajeunissement serait en fait une invitation au chant du cygne des gérontocrates. En enjoignant Konan Bédié à le rejoindre pour assurer le turnover générationnel en 2020, Alassane Ouattara veut s’assurer du désistement volontaire de son aîné. D’une pierre deux coups. Une pilule amère à faire avaler à un Konan Bédié qui n’a pas désarmé toute velléité présidentielle.

Le Principe de réalité 

Le désistement d’Alassane Ouattara n’est que le reflet d’une analyse lucide des (in)certitudes de son avenir politique et des caprices de son horloge biologique. Sur le plan politique, il aurait beaucoup de mal à s’assurer le soutien de ses partenaires du PDCI, après ses deux mandats obtenus grâce au soutien électoral de Konan Bédié, qui entend désormais hisser un « membre actif » de sa propre formation politique à tête du pays à partir de 2020. Alassane Ouattara, âgé de 76 ans (né le 1er janvier 1942) est régulièrement objet de rumeurs de maladies, dont la plus sérieuse en 2014 faisaient état d’une opération du lombo-sciatique consécutive à une sténose du canal lombaire. Un troisième mandat serait simplement un mandat de trop pour sa santé et impossible à faire accepter à ses partenaires du PDCI.

Le subterfuge 

Alassane Ouattara cache très bien son jeu. Avant cette phrase généreuse à l’endroit de la jeunesse, le président ivoirien n’avait pas posé beaucoup d’actes compatibles avec cette nouvelle vocation. En effet, il a fait sauter le plafond de la limitation d’âge, jadis de 75 ans au plus, à la présidence de la République. Le nouvel article 55 de la Constitution ivoirienne, dispose que : « Le Président et le Vice-président sont élus sur un même ticket pour un mandat de cinq ans, renouvelables une fois. Ils doivent être exclusivement ivoiriens, nés de père ou de mère et âgés de 35 ans minimum. Le Vice-Président remplace le Président en cas de décès, démission ou incapacité absolue ». Dans son exercice du pouvoir, Alassane Ouattara s’est si bien accommodé de la gérontocratie que la moyenne d’âge de ses collaborateurs est plus proche du seuil plafond de 75 ans que du plancher de 35 ans.

Conversion tardive aux vertus du jeunisme en politique ou ultime tentative pusillanime de relooking d’un pouvoir dont l’horloge biologique indique le crépuscule de la vie ? De quoi le renoncement Alassane Ouattara serait-il le symptôme ? De la sagesse du renoncement en politique ou du renoncement au courage politique ? À chacun de se faire sa propre religion sur le sujet ! Une chose est indéniable, il faut beaucoup de courage pour savoir se retirer de la partie, avant de la perdre. Il faut encore plus de sagesse pour lâcher prise pendant qu’il est encore temps.

Radjoul Mouhamadou

 

Côte d’Ivoire: l’idée d’un troisième mandat de Ouattara passe mal

C’est une déclaration qui défraie la chronique en Côte d’Ivoire depuis dimanche. Pour Alassane Ouattara, si la Constitution de son pays limite à deux le nombre de mandats présidentiels, sa réforme en 2016 remet les compteurs à zéro. Pascal Affirmé Nguessan,  le patron du Front Populaire Ivoirien (Foi),  parti fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo,  M.  Ouattara tient une position peu correcte.

« C’est une position qui n’est pas intellectuellement et politiquement correcte, acceptable, dans la mesure où le chef de l’Etat sait bien que la volonté qui est exprimée à travers la limitation des mandats : en Côte d’Ivoire, comme de façon générale à l’heure actuelle en Afrique, c’est qu’un citoyen ne puisse pas faire plus de deux mandats. C’est ça qui est la volonté politique qui est transcrite par la loi, par la Constitution ».

Le candidat malheureux à la présidentielle de 2015 estime qu’un nouveau mandat en 2020 pour Alassane Ouattara violerait la Constitution et son esprit : « Monsieur Ouattara a fait deux mandats, je ne comprends pas comment il peut imaginer un troisième ou un quatrième mandat. Ce serait même une violation flagrante de la Constitution et de la volonté exprimée par les Ivoiriens à travers la Constitution. On ne peut pas dire que l’application de la loi dépend des circonstances, des situations ou des ambitions des uns et des autres. La loi, c’est la loi. Et il n’est pas le seul Ivoirien capable de maintenir la paix et la stabilité du pays, d’ailleurs il ne l’a pas fait. Monsieur Ouattara ne peut pas être candidat. Et vouloir le faire, c’est chercher encore à créer l’instabilité et les affrontements en Côte d’Ivoire ».

Dans les rues d’Abidjan,  c’est l’incompréhension totale.  Des jeunes interrogés par France 24 se disent surpris par ces propos du président.  Certains de ces jeunes,  pour la plupart des étudiants,  voient en cette volonté du successeur de Gbagbo,  les germes de la réédition des violences post-électorales de 2010-2011 qui avaient fait plusieurs milliers de victimes et dont la Côte d’Ivoire ne s’est toujours pas encore remis,  malgré les apparences.

En tout cas,  cette déclaration d’Alassane Ouattara intervient dans un contexte de tractations pour transformer la coalition au pouvoir,  le RHDP,  en un parti politique en vue de dégager un candidat unique dans la perspective du scrutin de 2020. Un candidat unique qui pourrait aussi se nommer Henri Konan Bedie ou Guillaume Kigbafori Soro.

Pendant ce temps,  c’est le président du Niger, Mamadou Issifou,  qui s’attire la sympathie de la jeunesse de son pays et d’Afrique,  en réitérant lundi qu’il ne briguera pas un troisième mandat en 2021. Sous réserve bien entendu qu’il ne fasse pas volte-face in extremis comme c’est de coutume sur le continent.

Alassane Ouattara disqualifié pour régler la crise togolaise ?

“La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes”, a déclaré M. Ouattara, dans un entretien à  Jeune Afrique.

Des propos qui contrastent avec les premières déclarations du président ivoirien au lendemain de la modification de la Constitution ivoirienne en 2016, qui remettait les compteurs à zéro. À l’époque, Alassane Ouattara la possibilité d’un troisième mandat.

Simple effet d’annonce ou réelle volonté d’un président qui a fini par prendre goût aux délices du pouvoir ?  En tout cas,  ADO justifie sa nouvelle position par le souci de mettre la Côte d’Ivoire à l’abri de toute instabilité.  Mais pour certains observateurs, le président utilise la “menace” de se représenter pour faire taire les querelles internes nées de la guerre de succession qui a déjà commencé.
En même temps, le président tente de transformer en partie la coalition au pouvoir afin d’organiser une primaire pour la présidentielle de 2020.

Quoi qu’il en soit,  le chemin vers un troisième mandat d’Alassane Ouattara est jonché de plusieurs embûches.  Il faudra d’abord pour l’ancien directeur Afrique du FMI de convaincre le PDCI et son emblématique président Henri Konan Bedie pour qui l’heure du retour de l’ascenseur a enfin sonné.  Avec la réforme constitutionnelle de 2016, ADO est certain d’avoir “neutralisé” Guillaume Kigbafori Soro désormais quatrième personnalité au sommet de l’Etat.  Mais l’ancien chef des rebelles de Bouake n’a pas encore dit son dernier mot.  Même si les ennuis judiciaires peuvent à n’importe quel moment se déchaîner contre lui,  l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne reste encore un homme très écouté par les ex-rebelles reconvertis en forces loyales à  la gâchette facile pour oui ou pour un non.

De toutes les façons,  cette déclaration d’Alassane Ouattara résonne mal dans les oreilles des partisans de l’opposition togolaise. “C’est ce Alassane Ouattara qui va régler la crise politique togolaise ?  Quels conseils va-t-il donner à Faire Gnassingbe ? “, peste un militant d’un parti membre de la coalition des 14.

“Si monsieur Ouattara dont la Constitution de son pays limite les mandats présidentiels est prêt à briguer un troisième mandat,  ce n’est pas Faure qu’il dira de quitter le pouvoir alors que la Constitution ouvre un boulevard devant lui”, ironise un web-activiste de UNIR,  parti présidentiel au Togo.  De quoi faire répliquer un autre militant de l’opposition: “force à la rue”. 

 

Côte d’Ivoire : le doute plane toujours sur les intentions de Ouattara pour 2020

Alassane Ouattara ne sera pas candidat en 2020. Si le président ivoirien l’a déjà dit lui-même à plusieurs reprises, un récent entretien sur France 24 incline à remettre en cause cette promesse surtout quand on sait ce que vaut la parole politique en Afrique. Mais le ministre ivoirien des Affaires présidentielles, Birahima Ouattara, a indiqué que son président de frère aîné n’envisage pas de briguer un 3eme mandat.

« Mon frère est fatigué. Il n’est nullement concerné par un 3eme mandat. Cette affaire de 3eme mandat, ce sont des rumeurs. En 2020, il passera la main », a confié Birahima Ouattara  à des proches, selon le journal ivoirien Le Temps.

«En politique, on ne dit jamais jamais. Mais attendez 2020, vous connaîtrez ma réponse en ce moment-là». Cette réponse du président ivoirien lors d’un entretien sur France 24 laisse planer des doutes sur ses réelles intentions pour la présidentielle de 2020. Même si avant cette phrase, Alassane Ouattara avait clairement affirmé « a priori, je ne le ferai pas (3eme mandat, ndlr),» les Ivoiriens se posent toujours la question de savoir si oui ou non le successeur de Laurent Gbagbo respectera la constitution qui limite à deux les mandats présidentiels. L’inquiétude des opposants au président Ouattara tient surtout de la crise au sein de la coalition au pouvoir.

En effet, après la dernière révision constitutionnelle,  une crise sourde a éclaté au sommet de l’Etat ivoirien. Le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, numéro 2 de l’exécutif jusqu’aux élections législatives, est relégué à la quatrième place, derrière le Premier ministre et le président du Sénat. Une nouvelle configuration qui apparaît comme un pied de nez à l’ancien patron des rebelles ivoiriens, soutien d’Alassane Ouattara. Dès lors, des mutineries ont éclaté à plusieurs, avec à la clé des revendications qui ont fait plier le gouvernement ivoirien. Beaucoup y voyaient la main de Guillaume Soro, perçu comme potentiel dauphin de M. Ouattara. On ne passera pas sous silence les dissidences au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) lors des législatives de 2016.

Cette “confidence” du frère cadet du président ivoirien suffit-t-elle à rassurer les détracteurs de l’ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny?

Me Dodji Apévon remet la “patate chaude togolaise” au sommet de la CEDEAO

Pour Me Paul Dodji Apévon, ce sommet, qui devrait se tenir à Lomé, a dû être délocalisé en raison de la tension politique au Togo. “Ce sommet devrait se tenir à Lomé mais a dû être déplacé à Abuja, tout comme l’ont été le sommet Israël/Afrique et le sommet ministériel de l’Organisation internationale de la Francophonie“, a déclaré le président des FDR, jeudi, au point de chute du deuxième jour des manifestations de la coalition des 14. Ces nombreux reports de rencontres internationales à Lomé sont perçues par l’avocat comme la preuve irréfutable que la situation togolaise préoccupe plus qu’on ne l’imagine. “Votre mobilisation et votre détermination de ce jour donneront une résonance toute particulière à Abuja, la capitale administrative du Nigeria“, a-t-il ajouté.

Leur rappelant qu’“aucun développement, aucun progrès économique ne peut se faire dans un climat anti-démocratique et que les dysfonctionnements politiques nationaux sont susceptibles de produire des conséquences parfois très fâcheuses dans les autres Etats“, Apévon a, au nom de la coalition de l’opposition, lancé un cri de cœur aux quinze présidents qui ont rendez-vous dans la capitale nigériane, pour “sensibiliser leur conscience africaine au drame qui se joue au Togo et qui constitue une vraie menace pour la stabilité de la sous-région et pour la stabilité internationale“.

Le Togo est une inacceptable anomalie politique au sein de notre espace ouest-africain, et il convient d’y mettre fin“, a-t-il lancé aux chefs d’Etat. Pour justifier cet appel, l’avocat Apévon a rappelé le tripatouillage de la Constitution en 2002 puis en 2005 par le pouvir de Lomé en violation flagrante du protocole de Dakar signé le 21 décembre 2001 et qui fixait des principes communs à tous les Etats, en matière de respect des Constitutions. Me Apévon n’a pas passé sous silence le refus de Faure Gnassingbé d’adhérer à l’harmonisation proposée le 15 mai 2015 à Accra par la Commission de la CEDEAO pour la limitation du nombre de mandats présidentiels et l’adoption du mode de scrutin à deux tours.

Les présidents ghanéen, Nana Akufo-Ado, et guinéen, Alpha Condé, devront se faire les porte-voix de la crise togolaise dont ils sont profondément imprégnés, lors de ce sommet. Sans oublier l’Ivoirien Alassane Ouattara qui, semble-t-il, serait favorable au départ de Faure Gnassingbé en 2020, sans l’y contraindre toutefois.