Togo : silence, on tue au royaume des Gnassingbé !
novembre 2, 2017 :
Depuis le 19 août dernier, une vague de contestations est née à Sokodé contre Faure Gnassingbé qui a succédé à son père défunt en 2005, en violation des dispositions constitutionnelles, et qui, malgré les 38 ans de son père, malgré les nombreux accords politiques, est prêt à n’importe quoi pour s’accrocher au fauteuil présidentiel qu’il considère comme un héritage familial. S’il faut encore massacrer les Togolais, comme en avril 2005, le pouvoir militaro-clanique de Lomé ne regarde pas en arrière. Rappel de quelques faits qui démontrent avec une infinie justesse la duplicité de ce pouvoir qui parle de dialogue et d’apaisement en même qu’il tue ses propres citoyens.
Le 19 août en effet, à l’appel du Parti National Panafricain (PNP), des manifestations ont éclaté à Sokodé, Bafilo et Lomé. Par milliers, ces manifestants, tous de rouge vêtus, scandaient des slogans hostiles à Faure Gnassingbé, demandant le retour à la constitution de 1992 et le vote de la diaspora. Une manifestation violemment réprimée avec à la clé, deux morts parmi les manifestants. Depuis cette date, le mouvement a connu un effet boule de neige à travers tout le pays. Des manifestations sont régulièrement organisées à Lomé, la capitale ainsi que dans d’autres villes du pays pour réclamer même le départ de Faure Gnassingbé. On notera les marches suivies de meetings des 6 et 7 septembre, celles des 4, 5 et 6 octobre. Des manifestations toutes réprimées dans le sang, avec la mise à contribution des miliciens du régime RPT/UNIR. A ce jour, on déplore entre 14 et 16 morts, plusieurs dizaines de blessés et des centaines de déplacés.
Cette situation rappelle à la mémoire collective, les vieilles méthodes du parti cinquantenaire qui présente les apparences d’une démocratie alors même qu’on est bien en présence d’une machine à tuer. Et ce n’est pas que sur le plan politique. En juin 2015, les étudiants de l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS), débordés par le silence observé par les autorités universitaires sur l’absence des bourses et allocations universitaires pour le compte de l’année académique 2014-2015 à leur égard, avaient, tous de rouge vêtus, manifesté leur mécontentement par une manifestation dans les rues de la capitale suivie d’une grève pour réclamer le versement par le Trésor public des dix (10) mois de leurs tranches d’aide dont les 262 étudiants avaient affirmé n’avoir jamais vu la couleur. Il faut rappeler que plus tôt, deux étudiants de l’INJS avaient perdu la vie par soucis. Et comme au Togo, le pouvoir voit toujours une main invisible derrière tout mouvement, il fallait trouver les responsables de cet appel à manifester. Et les boucs-émissaires étaient Konémpo Bandaguidi, délégué général des étudiants de l’ INJS, Emefa Akpalou, son adjointe? Mohaman-Sani Tchakondo, professeur de sport au sein de l’institut, entre autres. Leur péché ? Avoir, quelques mois plus tôt, cessé les cours pour réclamer des salaires impayés. Un courage qui leur vaudra une convocation, des persécutions jusqu’à la disparition complète du dernier du pays depuis lors.
Deux ans plus tôt, en 2013 donc, les élèves togolais avaient manifesté contre l’arrêt des cours par leurs professeurs qui réclamaient eux aussi l’humanisation de leur profession. Deux élèves, Anselme Sinandare et Douti Sinalengue, avaient été froidement abattus par la soldatesque à la solde du régime de Faure Gnassingbé.
A Mango, ville située au nord du Togo, des familles entières ont dû quitter leurs maisons pour se réfugier au Ghana ou au Bénin voisin depuis la répression des manifestations de la population contre un projet de réhabilitation des aires protégées qui rappellent les heures sombres de la dictature de Gnassingbé Eyadema dans cette partie du Togo.
Aujourd’hui, les représailles se poursuivent tant à Sokodé (fief du leader de la contestation, Tikpi Atchadam), Bafilo et Mango. Les jeunes sont obligés de se réfugier dans la brousse pour échapper aux enlèvements, exécutions sommaires et toutes choses semblables. Dans ces conditions et alors que Sokodé est mise en état de siège, des descentes militaires sont régulièrement effectuées dans des maisons pour retrouver des armes « arrachées aux policiers le 19 août et qui seraient encore dans la nature». Femmes, enfants, vieillards, personne n’est épargné au passage des militaires. Tout le monde est bastonné.
Inutile de revenir sur les multiples interventions des militaires togolais dans l’enceinte de l’université de Lomé, pour gazer, mater et procéder à des arrestations d’étudiants qui ne réclament que de meilleures conditions d’études.
Et c’est dans ces conditions que le pouvoir moribond de Lomé crie à tue-tête qu’il est ouvert au dialogue. La communauté internationale a assez longtemps joué le rôle de cette dictature qui a fait tant souffrir le peuple. Il est désormais temps qu’elle s’implique véritablement dans cette crise non plus en multipliant les éternelles condamnations de principe mais en appelant ouvertement Faure Gnassingbé à cesser de tuer son propre peuple, au nom d’un pouvoir qu’il va sans doute quitter cette fois.