Togo: immersion dans les méandres des scandales du 4è lac de Lomé
juin 15, 2018 :
Avec sa simple signature, quand on est Coordonnateur d’un projet aussi budgétivore que la construction du 4è lac, on peut devenir riche, très riche, tellement riche en un laps de temps. Dans cet article, nous allons nous intéresser à un cas, celui d’un magouilleur hors-pair, qui a imposé sa mafia sur ce projet très juteux pour se remplir les poches, quitte à bâcler les travaux qui ont coûté plusieurs milliards de fracs Cfa… En toute impunité.
Le poker magouilleur Ehli Kossi en attente d’autres rétro-commissions
Il s’agit de Ehli Kossi (photo), le Coordonnateur du projet d’aménagement urbain du Togo (PAUT II), projet dans le cadre duquel le 4e lac de Lomé a été construit et inauguré dernièrement, avec tous les problèmes de corruption et de surfacturation qui ont entaché l’organisation. Le 4ème Lac construit à Akodesséwa-Kponou a été inauguré le 31 mai dernier par le Chef de l’Etat Faure Gnassingbé. Le coût global de la construction de cet ouvrage est estimé à 28,2 milliards de F FCA pour un délai d’exécution de 24 mois. Malheureusement ce projet, qui devrait permettre de réduire les inondations récurrentes dans les quartiers Est de Lomé, a subi lui-aussi le triste sort généralement réservé aux travaux publics au Togo: Corruption, travaux bâclés sur fond de commissions et de rétro-commissions, surfacturation…, comment la bagatelle des 28,2 milliards a-t-elle été gérée pour ces ouvrages de qualité douteuse ? Qui et qui sont mêlés à cette gestion chaotique? Courrier d’Afrique a enquêté.
Au cœur des manœuvres , le Coordonnateur Kossi Ehli, Ingénieur à la Direction de l’Assainissement. Ses compétences? Elles sont avérées. Et c’est à l’unanimité que ses collègues le lui reconnaissent. Mais il a un défaut: un amour trop poussé pour l’argent. Et pour étancher sa soif presque inextinguible pour la thune, le chantier de construction du 4ème lac était à ses yeux une vache à lait. En effet, en sa qualité de Coordonnateur du projet, c’est donc de plein droit qu’il assure la supervision de toutes les étapes des travaux en étroite collaboration avec le bureau d’études. Il n’en faut pas plus pour se taper des millions!
Le sieur Ehli a vite trouvé le plan parfait pour assouvir sa course effrénée à l’argent. Il impose des commissions aux entreprises exécutantes avant d’apposer sa signature à chaque étape de validation des travaux . De même pour recruter toute entreprise sous-traitante sur le projet, il faut, selon des témoignages, une rétro-commission, sans quoi vous n’avez pas la précieuse signature de M. le Coordonnateur. Lui et son petit réseau mafieux auraient reçu plus d’une centaine de millions de francs CFA de rétro-commissions sur ce projet, et sont en attente d’autres. On parle de plusieurs dizaines de millions de Fcfa qui devraient tomber dans pas très longtemps.
Et c’est justement par rapport à ces informations avérées qu’en janvier dernier, le ministre Agadazi, patron du département de l’hydraulique à l’époque, les avait écartés du projet. Mais avec la nomination d’un nouveau ministre à la tête de l’hydraulique, M. Ehli et sa bande ont retrouvé ce qu’ils avaient “perdu” sans répondre des soupçons de corruption dont ils faisaient l’objet.
À en croire le même Coordonnateur, la vente du sable sur le projet aurait servi au déplacement des réseaux dans les quartiers concernés. Alors que dans le budget initial du projet, ce travail devrait être exécuté par une partie des 7 milliards de contribution de l’État togolais. Un flou accablant entoure également ce pan du projet et certainement qu’il y a eu des malversations.
Point n’est besoin de revenir sur les manœuvres peu orthodoxes qu’il a orchestrées au sujet de l’inauguration en voulant faire passer à tout prix, une société de prestation de services qui lui aurait garanti une mirobolante rétro-commission. Il n’aura jamais digéré le rejet catégorique de la proposition d’offre de sa société bidon par la commission de coordination.
Aujourd’hui, on remarque que le projet dont les travaux ne sont pas totalement arrivés à terme est inauguré malgré plusieurs pans qui sont bâclés. Les caniveaux dans le quartier Anfamé sont à ciel ouvert et l’entreprise GER qui a en charge les travaux n’a pas respecté le délai. Selon les clauses des travaux publics au Togo, il doit perdre 5% du paiement en guise d’amende, mais naturellement que le Coordonnateur a déjà cousu un deal à cet effet. Il aura sa commission et l’entreprise aura la totalité de son paiement.
Chose étonnante, face aux critiques sur les caniveaux qui sont à ciel ouvert, le Coordonnateur répond qu’ils sont ainsi conçus au départ sur la maquette et qu’il faudra chercher des financements additionnels pour les couvrir. Or, il se susurre que les dépenses auraient été réduites au cours de l’exécution des travaux à cet effet et qu’actuellement, il resterait des moyens conséquents pour couvrir ces grands caniveaux qui causent déjà de graves accidents. Où est donc passé ce reliquat ? La question reste intacte et ne trouve pas de réponse à ce jour.
Il faut rappeler au passage que c’est le groupement d’entreprises Eiffage-Ger qui a gagné l’appel d’offre. Eiffage s’est chargé du lac et GER des infrastructures connexes (caniveaux, rigoles, les canaux…). Aujourd’hui, l’exutoire en mer n’est pas encore réalisé par l’entreprise GER, mais le Coordonnateur et sa clique tentent de faire croire à l’opinion, le respect scrupuleux du cahier de charges par les entreprises, arguant qu'”il n’y a pas de preuves matérielles pour établir sa culpabilité dans cette affaire“.
Les scandales du 4è se passent encore comme les autres scandales connus dans un passé récent dans l’exécution des travaux publics sous l’œil complaisant de l’autorité compétente, écornant ainsi l’image de l’administration publique togolaise. Il urge d’interpeller le sieur Ehli et tout son groupe pour des enquêtes sérieuses afin de rétrocéder les fonds dilapidés dans la réalisation de ce projet dont le reste des travaux est en souffrance. Bon à suivre…